Cacao: les producteurs devraient gagner quatre fois plus pour atteindre le seuil de pauvreté de l’ONU

Alors que quelques multinationales, dont certaines domiciliées en Suisse, dominent toujours davantage la chaîne d’approvisionnement de l’industrie du chocolat, les producteurs et productrices de cacao d’Afrique de l’Ouest restent prisonniers de l’extrême pauvreté. Les initiatives volontaires des sociétés ne permettent pas de remédier à cette situation scandaleuse. Forts de ces constats, étayés par la publication de leur baromètre du cacao 2015*, dix ONG et syndicats européens demandent une réforme en profondeur du secteur et font des propositions concrètes.

En Côte d’Ivoire, principal pays producteur de cacao, les paysans devraient gagner quatre fois plus pour atteindre le seuil de pauvreté officiel de deux dollars par jour fixé par l’ONU. Cette paupérisation des producteurs est synonyme de conditions de travail indignes et conduit à des violations des droits humains, comme le travail des enfants. Elle est également à l’origine de plusieurs autres problèmes sur la chaine d’approvisionnement. La culture du cacao ne leur permettant pas de sortir de l’extrême pauvreté, un nombre croissant de jeunes agriculteurs et agricultrices quittent leur exploitation, ce qui laisse entrevoir un manque au niveau de la relève.

La répartition inéquitable de la valeur ajoutée sur la chaîne d’approvisionnement de l’industrie du chocolat est l’une des principales causes de la paupérisation des producteurs. Après de nombreuses fusions et acquisitions, quelques multinationales dominent aujourd’hui près de 80% de cette chaine de valeur. Les fabricants de chocolat (Nestlé, Mars, Ferrero ou Mondelez), les sociétés de négoce ou de transformation du cacao (comme Cargill et Barry Callebaut) ainsi que les détaillants se partagent l’essentiel des marges. Insuffisamment organisés, les agriculteurs ne touchent que des miettes, malgré la dureté de leur travail.

La plupart des efforts consentis par les sociétés pour développer un modèle d’affaires plus durable sont focalisés sur une amélioration de la productivité. Or, ces efforts devraient impérativement s’accompagner d’une diversification de la production, de l’amélioration des infrastructures et, par-dessus tout, d’une augmentation significative des prix octroyés aux producteurs. Le chocolat pourrait alors devenir plus cher. En Suisse, le prix de la tablette de chocolat a augmenté à un rythme trois fois et demi inférieur à l’indice des prix à la consommation au cours des trente dernières années. Durant la même période, le prix du cacao sur le marché mondial a chuté de moitié.

Le troisième baromètre du cacao montre aussi que la part de marché du chocolat certifié par les labels usuels Fairtrade, Utz ou Rainforest Alliance continue d’augmenter. En 2009, celle-ci représentait quelque 2% de l’ensemble du chocolat vendu dans le monde, contre 16% aujourd’hui. La plupart des grandes sociétés se sont désormais engagées à fabriquer d’ici 2020 du chocolat à partir de cacao entièrement certifié, ou dont l’approvisionnement est soumis à un organe de vérification. Nestlé et Mondelez font ici exception. Ces systèmes de vérification doivent toutefois être améliorés, notamment en ce qui concerne la qualité des audits, les primes trop basses ou encore l’absence de mesure de leurs effets sur les producteurs de cacao.

De toute évidence, les efforts volontaires des entreprises ne suffisent pas à sortir les producteurs de l’extrême pauvreté ni à empêcher les violations des droits humains sur la chaîne d’approvisionnement. Il est donc nécessaire de changer de paradigme et de développer des règles contraignantes. Afin de garantir des revenus de subsistance aux producteurs de cacao, les Etats, l’industrie et la société civile doivent développer au plus vite une méthode de calcul permettant d’estimer ce qu’un tel revenu représente dans les différents pays producteurs. A cela s’ajoute la nécessité politique d’établir, au niveau national et international, des mécanismes de formation et de fixation des prix.

Plus d’informations dans le baromètre du cacao 2015 ou auprès de:
Géraldine Viret, Déclaration de Berne, responsable Médias, 021 620 03 05, viret@ladb.ch

* Publié tous les deux ans par un collectif d’ONG et de syndicats européen, le baromètre du cacao analyse les initiatives volontaires du secteur. Les organisations suivantes y participent: FNV Mondiaal (Pays-Bas), Hivos (Pays-Bas), Solidaridad (Pays-Bas) et le réseau VOICE – Déclaration de Berne (Suisse), FNV (Pays-Bas), Oxfam Novib (Pays-Bas), Oxfam Wereldwinkels (Belgique), Stop the Traffik (GB), ABVV - FGTB HORVAL (Belgique) et l’institut Südwind (Allemagne).

Baromètre du cacao (2015)