Gunvor au Congo: de nouvelles révélations mettent à mal la défense du négociant

Un nouveau document judiciaire auquel Public Eye a eu accès montre que jusqu'à six employés de la société de négoce ont validé le paiement de commissions suspectes aux apporteurs d’affaires ayant «facilité» l’obtention de juteux contrats pétroliers en République du Congo, entre 2010 et 2012. Cet élément fait voler en éclat la ligne de défense de Gunvor, qui affirme depuis cinq ans être victime d’un ex-employé ayant agi «à son insu et à son détriment». Ce fait déterminant a conduit le Ministère public de la Confédération (MPC) à mettre Gunvor en prévention, en raison de «carences organisationnelles» liées à de possibles actes constitutifs de corruption d’agents publics étrangers.

Jusqu’à la publication, mardi 12 septembre, du rapport de Public Eye, Gunvor était parvenue à semer le doute sur la responsabilité des malversations liées à l’obtention de cargaisons de pétrole valant 2,2 milliards de dollars au Congo-Brazzaville. Public Eye a pu consulter un courrier du MPC, transmis en juin aux parties de la procédure pénale, attestant que les cadres de la société de négoce étaient informés et ont validé le versement des commissions présumées corruptives (31,9 millions de dollars). Dans cette notification, le procureur écrit qu’il est établi que les paiements effectués par Gunvor ont non seulement été validés à l’interne de la société, mais qu’ils ont par ailleurs été confirmés à plusieurs reprises à l’externe, en particulier auprès de Credit Suisse, la banque qui hébergeait les comptes des intermédiaires. Dans un cas, six employés de Gunvor sont intervenus pour valider le versement. Ces nouveaux éléments contredisent de manière flagrante les dires du négociant, qui a toujours prétendu que les paiements présumés corruptifs étaient «inconnus de Gunvor» et avaient été effectués par son «ex-employé», licencié en 2012.

Informé en avance de la publication de l’enquête réalisée par Public Eye, le négociant s’est lancé dans un exercice de communication de crise. Gunvor s’est résolue à annoncer lundi soir à l’agence Reuters être désormais poursuivie pour «défaut d’organisation», le seul chef d’inculpation du Code pénal suisse permettant de poursuivre des sociétés – et non des individus – pour des infractions pénales. Embarrassée par une vidéo pirate de 2014 montrant l’un de ses cadres en flagrant délit de tentative de corruption, alors sur le point d’être révélée par Public Eye, Gunvor a affirmé une fois encore être victime de «comportements individuels indésirables». Le négociant a par ailleurs assuré avoir renforcé depuis ses procédures de conformité internes, désormais de «classe mondiale». A noter que Gunvor prétendait déjà avoir fourni un tel effort avant que cette tentative de corruption ait lieu.

Dans sa prise de position, le négociant profère d’autres contre-vérités. Gunvor suggère que l’enquête contre son ex-employé continue et que celle-ci a été «élargie» à la société elle-même. Or, l’enquête principale ouverte pour soupçon de blanchiment d’argent n’est pas dirigée contre son ancien employé. Surtout, la plainte de Gunvor pour escroquerie contre cet «employé félon» a été suspendue, lit-on dans le document du MPC daté de juin. L’étau judiciaire se resserre autour de Gunvor.

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