La DB demande un salaire de subsistance : 10 centimes peuvent sauver les vraies victimes de la mode

Lausanne, le 2 août 2010 - Il n’en faudrait pourtant pas beaucoup: 10 centimes de salaire en plus par T-shirt permettraient déjà aux couturières de l’industrie textile de vivre dignement, plutôt que dans la pauvreté. La Déclaration de Berne (DB) et la Campagne Clean Clothes (CCC) lancent aujourd’hui sur www.10centimes.ch une campagne d’information de dix semaines adressée aux consommateurs et consommatrices. Elles demandent aux entreprises de garantir le paiement d’un salaire de subsistance sur l’ensemble de la chaîne de production. Chaque semaine, le site proposera une liste de marques qui ne s’engagent pas à payer un tel salaire.

Suite au vaste mouvement de protestation des couturières, des négociations salariales sont enfin menées au Bangladesh. Dans ce pays, même l’augmentation salariale de 80% envisagée la semaine dernière par le gouvernement ne représenterait qu’une goutte d’eau dans la mer. Selon ces nouvelles conditions, les personnes concernées devraient encore travailler 29 heures par jour pour pouvoir joindre les deux bouts – contre 52 heures avec le salaire minimum actuel de 1662 taka, fixé en 2006.
Afin d’attirer les entreprises et les investisseurs, les gouvernements des pays producteurs en Asie se livrent un combat acharné pour proposer les salaires les plus bas. Les entreprises textiles profitent des salaires minimums légaux trop bas et accumulent les bénéfices sur le dos des couturières. Elles affirment qu’il n’existe aucun système de calcul d’un salaire de subsistance largement soutenu par les syndicats et se basent sur le salaire minimum légal, tout en sachant pertinemment que celui-ci est insuffisant pour survivre.

Pour s’opposer à ces pratiques irresponsables, des syndicats, des ONG et des experts d’Asie ont formé l’Asian Floor Wage Campaign (AFW). Ensemble, ils ont développé un modèle de calcul pour un salaire de subsistance dans l’industrie textile, émis des revendications salariales au niveau régional et lancé une grande campagne internationale. La DB et la CCC soutiennent activement l’AFW. Elles sont les porte-parole en Suisse de ses revendications et font pression sur les marques pour qu’elles ne reportent plus leurs responsabilités sur les pays producteurs. A l’heure actuelle, 99% des entreprises textiles ne s’engagent pas à payer un salaire de subsistance, parmi lesquelles figurent des firmes suisses comme Charles Vögele, Coop, Migros ou encore Tally Weijl.

A la recherche de forces de travail bon marché et pour devancer la concurrence, les entreprises textiles n’ont cessé de déménager d’un continent à l’autre durant ces deux dernières décennies. Aujourd’hui, la majeure partie de nos vêtements sont produits en Asie, principalement par des femmes. Ces vraies victimes de la mode triment jusqu’à 80 heures par semaine pour un salaire de misère. En huit heures de travail, elles gagnent en moyenne 2 dollars, un maigre revenu qui, même avant la crise financière et l’explosion du prix des denrées alimentaires, ne permettait pas à une famille de se nourrir, sans parler des frais médicaux et de scolarité. Ces dernières années, la situation s’est encore fortement aggravée.
Par une vidéo et des actions de protestation, la DB et la CCC souhaitent sensibiliser le public à cette problématique et faire pression sur les entreprises. A la fin du mois de septembre, des membres du comité directeur de l’Asian Floor Wage Campaign seront de passage en Suisse. Une réunion avec les entreprises textiles suisses figure notamment au programme. Il s’agira de parler du modèle salarial proposé par l’AFW et des mesures à prendre pour assurer sa mise en œuvre.

La Campagne Clean Clothes (CCC) s’engage pour une amélioration des conditions de travail dans l’industrie textile globalisée. Elle mène des campagnes nationales dans 14 pays européens et collabore au sein d’un réseau comptant 250 organisations dans le monde. En Suisse, le travail de la CCC est coordonné par la DB et porté par 19 ONG.

L’Asia Floor Wage Campaign (AFW) rassemble environ 70 syndicats, ONG et experts du Bangladesh, de la Chine, de Hong Kong, d’Inde, d’Indonésie, de Malaisie, du Pakistan, du Sri Lanka, de Thaïlande, d’Europe et des Etats-Unis. Par une vaste campagne internationale, l’AFW demande le paiement d’un salaire de subsistance minimum de 475 PPP$ pour tous les employés et employées de l’industrie textile. www.asiafloorwage.org

Le salaire de subsistance – le modèle de l’AFW
Le salaire de subsistance est un revenu permettant à tous les employés et employées de payer leurs besoins de base et ceux d’au moins une partie de leur famille, tout en laissant une petite somme pour les dépenses imprévues ou l’épargne. Il ne s’agit pas d’un salaire maximum, mais minimum.

Le salaire de subsistance tel qu’il est défini par l’AFW se base sur « un panier » couvrant les besoins quotidiens de 3000 calories par personne pour trois « unités de consommation ». Les adultes représentent une unité de consommation, les enfants une demi. Le salaire permettrait par exemple de faire vivre une mère, ses deux enfants et la grand-mère, qui s’occupe des enfants lorsque la mère travaille. Les dépenses consacrées à la nourriture devraient représenter 50% du salaire, les 50% restants étant affectés à des dépenses non-alimentaires comme le loyer, le transport, les frais de scolarité, les frais médicaux ainsi qu’une petite part laissée disponible pour les dépenses imprévues.