Public Eye Awards 2012: Barclays et Vale récompensés par les prix de la honte

Davos, 27.01.2012 - A bonne distance du World Economic Forum de Davos (WEF), la Déclaration de Berne (DB) et Greenpeace Suisse ont marqué au fer rouge les entreprises se rendant coupables de violations des droits humains et d’atteintes à l’environnement particulièrement crasse. La banque britannique Barclays reçoit le prix du jury. Elle réalise d’énormes profits sur le dos des populations les plus pauvres, en spéculant sur les matières premières alimentaires. Le prix du public va à Vale, dont la participation au projet du barrage de Belo Monte n’est que le dernier chapitre d’une histoire continuellement marquée par un comportement particulièrement irresponsable. Le vote en ligne a mobilisé plus de 88’000 personnes, ce qui est un nouveau record. L’économiste vedette et Prix Nobel, Joseph Stiglitz, a lancé un plaidoyer enflammé, exigeant des entreprises qu’elles respectent enfin leurs responsabilités environnementales et sociales.

Les Public Eye Awards 2012 récompensent deux entreprises représentatives de l’état d’esprit des membres du WEF et du secteur privé en général, celui d’une globalisation uniquement orientée par une logique de profit. Le Jury a remis le Public Eye Global Award au géant bancaire Barclays pour son activité de spéculation sur les produits alimentaires, qui affiche la plus grande croissance du secteur. Cette activité fait grimper le prix des produits alimentaires aux dépens des plus pauvres. Rien qu’au second semestre 2010, ce sont 44 millions de personnes dans le monde qui se sont retrouvées en situation d’extrême pauvreté en raison de cette hausse des prix. « Les femmes des pays du Sud sont le plus durement affectées par la spéculation sur les denrées alimentaires », déclare Amy Horton du World Development Movement, l’ONG qui avait nominé Barclay pour les Public Eye Awards. « Public Eye est notre chance de montrer aux dirigeants des entreprises, aujourd’hui si proches de nous à Davos, que l’humanité et l’environnement ont le droit de se faire entendre, que nous sommes leur voix et que nous ne nous tairons pas. », ajoute Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International et membre du jury des Public Eye Awards.

Plus de 88'000 personnes ont pris part au vote en ligne, ce qui constitue un nouveau record. Cette année l’entreprise qui a reçu le plus de suffrages est le brésilien Vale (25'041 voix). Il est suivi de près par le japonais Tepco (24'245 voix). Le sud coréen Samsung (19'014 voix) prend la troisième place. Vale est le deuxième plus grand groupe minier et le premier producteur de minerai de fer au monde. Ses 60 ans d’histoire ont continuellement été marqués par des atteintes aux droits humains, des conditions de travail inacceptables et une surexploitation de la nature. Le groupe minier brésilien prend actuellement part à la construction du barrage de Belo Monte en Amazonie. La réalisation de ce projet va forcer près de 40'000 personnes à quitter leurs lieux de vie, sans avoir été consultés et sans recevoir la moindre compensation. Dans la région, 80% des fleuves seront détournés pour le barrage, inondant une surface équivalente à celle du Lac de Constance. Les conséquences pour les populations indigènes et pour les écosystèmes seraient désastreuses.

« Avec les Public Eye Awards nous poursuivons également un objectif à plus long terme », déclare François Meienberg de la DB. « Toutes ces nominations que nous publions chaque année révèlent un manque patent d’État de droit dans de nombreux pays du globe. Elles sont autant de cris du coeur contre un système où les auteurs d’atteintes aux droits humains ou à l’environnement n’ont à craindre aucune sanction. »

Depuis de nombreuses années, les organisations porteuses des Public Eye Awards et les différentes ONG qui nominent les entreprises, exigent des états la mise en oeuvre de règles contraignantes, obligeant les multinationales à prendre en compte leurs responsabilités sociales et environnementales. Greenpeace et la DB se sont alliées à près de 50 autres organisations dans le cadre de l’alliance « Droits sans frontières ». Celle-ci demande au Conseil Fédéral et au Parlement de faire en sorte que les entreprises ayant leur siège en Suisse soit légalement tenue de respecter les droits humains et les standards environnementaux internationaux.

Le professeur Joseph E. Stiglitz, l’invité d’honneur des Public Eye Awards, a fait part de sa vision de la crise économique mondiale. « Il y a deux choses fondamentales à garder à l’esprit pour protéger notre planète et notre société. D’une part, nous avons besoin de régulations publiques, afin de lutter contre les abus. D’autre part, les individus et les entreprises ont besoin d'élargir leur notion de l'intérêt personnel. Les personnes et les sociétés les plus privilégiées au monde ne resteront pas éternellement à l’abri des conséquences de leurs actes. Il est dans l’intérêt de chacun, y compris de l’infime minorité des plus riches, que notre planète prospère et que le fossé entre les riches et les pauvres ne soit pas trop abyssal. » En ce qui concerne les Public Eye Awards, il déclare : « Grâce à ces nominations, certains des pires exemples d’entreprises irresponsables de l’année passée ont été identifiés. Cependant, il ne suffit pas de constater les défauts de certaines pratiques en matière d’environnement ou de conditions de travail. Ce dont nous avons besoin, ce sont des améliorations systémiques : inciter la création de structures, de cadres légaux, et augmenter nos attentes et nos demandes envers les entreprises, en tant que citoyens du monde. Ce n’est qu’à partir de ce moment que nous pourrons espérer vivre dans un monde où les pratiques de commerce durable et équitable seront la norme et non l’exception ».