Evaluation des entreprises textiles 2019

En 2014, Public Eye évaluait la politique des entreprises textiles en matière de salaires sur leur chaîne d’approvisionnement. Certaines marques disaient faire des efforts, en mentionnant des programmes et initiatives volontaires. Cinq ans plus tard, ces engagements ont-ils été tenus? Quels progrès ont été faits pour garantir un salaire vital au personnel des fournisseurs? Combien de personnes dans les pays producteurs touchent aujourd’hui un tel salaire?
Parmi les 45 entreprises interrogées par Public Eye, 19 sont suisses.

Les personnes qui fabriquent nos vêtements devraient percevoir un salaire leur permettant de vivre dans la dignité: le droit à un salaire vital est un droit humain reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Les entreprises textiles ont la responsabilité de le garantir sur toute leur chaîne d’approvisionnement.

Aujourd'hui, de nombreuses marques reconnaissent cette responsabilité, sur le papier. Mais cinq ans après notre dernière évaluation des entreprises, nous avons voulu savoir ce qu’il en est réellement: combien de personnes travaillant dans les usines de confection textile perçoivent un salaire vital?

Sur les 45 entreprises interrogées, seules 27 se sont engagées à garantir le versement d’un salaire vital sur leur chaîne d’approvisionnement.

Le principal constat de notre évaluation est très décevant: seules deux marques – la suisse Nile et l’italienne Gucci – nous ont fourni des indications laissant supposer qu’une partie des travailleuses et travailleurs sur leur chaîne d’approvisionnement reçoivent un salaire vital, c’est-à-dire permettant de couvrir les besoins de base de l’employé·e et de sa famille (deux adultes et deux enfants), tout en laissant une part disponible pour l’épargne. Pour Gucci, cela ne concerne qu’une partie des ouvrières et ouvriers en Italie. Nile est ainsi la seule enseigne pour laquelle ces indications sont valables en-dehors du pays où la société a son siège.

L'évaluation des entreprises met aussi en évidence des différences dans les mesures déjà prises: certaines entreprises en font plus que d’autres, et certaines approches semblent plus prometteuses.

Les résultats

27 des 45 entreprises interrogées reconnaissent le droit à un salaire vital. Mais aucune ne s’assure qu'un tel salaire est versé sur l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement.

Plusieurs des enseignes interrogées reconnaisssent depuis longtemps le droit au versement d’un salaire vital sur leur chaîne d’approvisionnement.

Vingt ans de mesures volontaires n’ont permis aucune amélioration significative des salaires.

Notre évaluation souligne ainsi de manière frappante les limites des initiatives volontaires, qui n’ont permis aucune amélioration substantielle en matière de salaires au cours des dernières décennies. Les entreprises se défaussent toujours de leurs responsabilités, plutôt que de prendre des mesures crédibles pour respecter les droits de celles et ceux dont le travail est au cœur de leur succès.

De la transparence, un plan d'action et des mesures contraignantes!

La garantie d’un salaire vital doit être considérée comme une priorité et un engagement direct des enseignes de la mode, et non comme un objectif lointain souhaitable ou simplement facultatif. Les entreprises doivent enfin assumer leurs responsabilités: faire preuve de transparence, adopter des valeurs de référence du salaire vital, établir un plan d’action avec des objectifs concrets, mesurables et définis dans le temps, prendre des mesures contraignantes et adapter leurs stratégies d’achat.

Plus d'informations

  • La nécessité d'accords juridiquement contraignants

    Comme le montre notre évaluation des entreprises, deux décennies de mesures volontaires n’ont permis aucune amélioration substantielle en matière de salaires. Aucune entreprise ne peut prouver qu’un salaire vital est versé à toutes les travailleuses et tous les travailleurs de sa chaîne d’approvisionnement.

    Il y a toutefois des exemples pionniers d’accords contraignants entre syndicats et enseignes de la mode, tels que l’Accord sur la sécurité des bâtiments au Bangladesh, qui a permis de nombreuses améliorations concrètes pour les travailleuses en un temps record. Des accords juridiquement contraignants, qui forcent les entreprises à garantir le versement un salaire vital à travers leurs pratiques d’achat et leurs processus de négociations, pourraient aussi apporter les améliorations que la problématique des salaires demande de toute urgence. Les enseignes de la mode doivent s’efforcer de chercher des solutions.

  • L'adoption de valeurs de référence pour le salaire vital

    Les grandes marques internationales n’ont pas tendance à évaluer le succès de leurs mesures par rapport à des valeurs de référence concrètes du salaire vital, mais plutôt à considérer les salaires issus de négociations collectives comme étant un salaire vital. L’industrie textile mondialisée présente toutefois de grandes inégalités dans les rapports de force et une forte concurrence entre les lieux de production, et les conventions collectives permettent difficilement d’atteindre le niveau du salaire vital. Cette tactique permet aux enseignes de la mode de se targuer de succès apparents sur la voie du salaire vital avant que le niveau des salaires ne soit suffisant pour subvenir aux besoins des travailleuses et de leur famille.

    Un salaire vital est clairement quantifiable, mais il est soumis à des changements constants, tels que l’augmentation du coût de la vie. Il est nécessaire d’avoir comme objectifs clairs des valeurs de référence par rapport auxquelles les salaires effectivement versés peuvent être comparés, et permettant de contrôler régulièrement si les stratégies et mesures prises ont un réel impact ou doivent être adaptées. Les conventions collectives peuvent permettre d’avancer dans cette direction, mais elles ne doivent pas être considérées comme un objectif en soi.

  • La transparence, là où tout commence

    Il est urgent de renforcer la transparence afin que les déclarations des entreprises sur le salaire vital puissent être contrôlées dans les faits. Seuls des objectifs mesurables et des données concrètes peuvent permettre une supervision indépendante et donner aux travailleuses et consommatrices la possibilité de demander des comptes aux entreprises. Les marques doivent non seulement publier la liste de leurs fournisseurs, mais aussi communiquer des informations probantes permettant de comparer les salaires les plus faibles et les salaires moyens au minimum légal et au niveau du salaire vital. C’est là le seul moyen de connaître clairement la situation effective de l’industrie et de ses entreprises au regard de cette importante problématique.

Profil des entreprises: où en sont les marques

Les résultats de l’enquête effectuée auprès des entreprises montrent une vue d’ensemble de la situation de chaque marque par rapport au salaire vital. Les profils détaillés des entreprises montrent les mesures prises et les avancées réalisées par chaque enseigne et leur met en évidence les prochaines mesures à prendre.

Évaluation des entreprises 2019

Le rapport «Un salaire vital dans l’industrie textile mondiale», disponible en français et en allemand, est une enquête de suivi de l’évaluation des entreprises publiée en 2014 par la Campagne Clean Clothes. En plus des 20 entreprises évaluées dans le rapport international «Tailored wages - The state of pay in the global garment industry», il en présente 25 supplémentaires (soit 45 firmes au total).