Négoce de matières premières: la Suisse doit cibler le trésor de guerre de Poutine

Face à l’extrême gravité de la situation en Ukraine, le Conseil fédéral a annoncé aujourd’hui reprendre les sanctions de l’Union européenne contre la Russie et geler les avoirs des individus visés. Mais pour agir à la hauteur des enjeux, il devrait également cibler le négoce de matières premières qui alimente la machine destructrice de Vladimir Poutine. Première place mondiale pour le commerce de pétrole et de gaz russes, la Suisse doit enfin créer une autorité de surveillance pour ce secteur à haut risque.

La Suisse assume enfin ses responsabilités: lors de sa séance extraordinaire, le Conseil fédéral a décidé de reprendre les sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Russie et de geler tous les avoirs des personnes russes visées. Cette décision est d’autant plus importante que la Suisse est depuis des décennies une terre d’accueil pour les oligarques russes et leurs fonds colossaux. En 2020, les citoyens et citoyennes russes détenaient près de 10,4 milliards de francs dans notre pays, selon les données de la Banque nationale suisse.  

Mais les liens entre la Suisse et la Russie vont bien au-delà de la place financière helvétique. Pour contribuer à contrer l’offensive meurtrière de Poutine, le Conseil fédéral devrait prendre des mesures concernant le secteur des matières premières. Le pétrole et le gaz sont en effet le carburant qui alimente le trésor de guerre du président, et plus d’un tiers du budget de la Russie provient de ces matières premières. Or, la Suisse est la principale plaque tournante des hydrocarbures et des céréales russes, dont les trois quarts sont négociés depuis Genève ou Zoug. Trafigura et Vitol sont des partenaires stratégiques de la société d'État Rosneft. Ils ont récemment pris des parts dans un projet pétrolier très controversé en Arctique. Quant à Gunvor, longtemps le trader favori du Kremlin, il joue toujours un rôle important dans le négoce du pétrole et du gaz russes. Certaines banques ont bien pris la mesure des enjeux: Credit Suisse et Société Générale ont annoncé cesser de financer le négoce de matières premières en provenance de Russie.  

Les autorités helvétiques ne peuvent toutefois pas se reposer sur les banques car bon nombre d’opérations sont faites sans apport bancaire, notamment sur les fonds propres des négociants. La guerre menée par la Russie, financée par les revenus tirés de ses ressources naturelles, rappelle à quel point il est essentiel d’encadrer le négoce des matières premières. En établissant une autorité de surveillance spécifique, la Suisse pourrait garantir davantage de transparence et de diligence dans un secteur qui a souvent joué un rôle trouble dans les conflits armés. En créant la Rohma, Public Eye a décrit de manière détaillée à quoi la régulation de ce secteur pourrait ressembler. Cette autorité de surveillance aurait pour tâche d’octroyer des licences, en garantissant notamment l’identification des bénéficiaires économiques réels des sociétés ou encore que les matières premières négociées ne proviennent pas de pays faisant l’objet de sanctions internationales ou de zones de conflit.  

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