Le cadre réglementaire

© Keystone / Laurent Gillieron
La réglementation suisse sur la lutte contre le blanchiment d’argent s’appuie sur deux piliers:
  1. Les intermédiaires financiers (notamment les banques, les gestionnaires de fortune et les assurances) sont soumis à la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (loi sur le blanchiment d’argent, LBA). Ils doivent respecter des obligations de diligence à l’égard de leurs client·e·s (identification, clarification) et communiquer leurs soupçons de blanchiment au MROS (Money Laundering Reporting Office-Switzerland, MROS), le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent auprès de l'Office fédéral de la police (Fedpol).
  2. Le MROS reçoit, analyse et, si nécessaire, transmet aux autorités de poursuite pénale leurs communications de soupçons relatives au blanchiment d'argent, au financement du terrorisme, aux fonds d'origine criminelle ou aux organisations criminelles. Le MROS joue un rôle de relais et de filtre entre les intermédiaires financiers et les autorités de poursuite pénale, qui constituent le deuxième pilier de la lutte anti-blanchiment.

Le blanchiment d’argent et la corruption sont des infractions sanctionnées par les autorités pénales.

Le cadre réglementaire

Plus d'informations

  • La loi sur le blanchiment d’argent (LBA)

    La loi sur le blanchiment d’argent (LBA) est l’un des piliers de la lutte contre l’argent sale en Suisse. Elle prévoit un volet préventif (des devoirs de diligence et de communication) et un volet répressif .

    La LBA, la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (loi sur le blanchiment d’argent, LBA) contraint les intermédiaires financiers à appliquer des obligations de diligence à l’égard de leurs clients (identification, clarification) et de communiquer leurs soupçons de blanchiment. L’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a publié une ordonnance qui concrétise cette loi (OBA-FINMA).

    La loi s’applique aux intermédiaires financiers. La FINMA surveille le respect des prescriptions relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent par des prestataires de services financiers comme les banques ou les assurances.

    La surveillance peut être déléguée par la FINMA a des entités autonomes. C’est le cas pour les gestionnaires de fortune indépendants et les trustees qui sont surveillés par des organismes de surveillance (OS).  Cela concerne aussi les personnes et les sociétés du secteur parabancaire (comme les entreprises de cartes de crédit, les fiduciaires ou les prestataires de services de paiement), qui ont l’obligation de s’affilier à un organisme d’autorégulation (OAR) chargé de faire respecter la loi contre le blanchiment d’argent.

    Ces entités sont supervisées par la FINMA et sont elles-mêmes chargées de surveiller les obligations de diligence des intermédiaires financiers ainsi que leurs obligations de communication prévues par la LBA. Il y a toutefois une différence de taille entre ces deux types d’organismes. Les OAR sont habilités à prendre des sanctions en cas d’irrégularités (un blâme, des amendes allant jusqu’à CHF 100 000.00 ou l’exclusion), mais si un OS constate de graves infractions, il ne peut qu’en informer la FINMA, qui est chargée de prendre des mesures.

    Les obligations des intermédiaires financiers

    Les intermédiaires financiers sont tenus de mettre en place et de respecter certaines obligations de diligence. En particulier:

    • vérifier l’identité de leurs clients et identifier les ayants droit économiques des valeurs patrimoniales (art. 3 et 4, LBA);
    • clarifier l’arrière-plan économique et le but d’une transaction ou d’une relation d’affaires, quand celles-ci paraissent suspectes ou présentent des risques accrus.

    Les relations d’affaires et les transactions présentant des risques accrus regroupent notamment les personnes politiquement exposées (PPE), ainsi que celles établies dans un pays considéré à risque, selon la liste du Groupe d’Action Financière (GAFI), qui recense les juridictions «à haut risque» ou «non coopératives».

    En cas de soupçons fondés de blanchiment d’argent dans le cadre d’une relation d’affaires, l’intermédiaire financier doit le communiquer au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) (art. 9 LBA).

    Par ailleurs, les banques font l’objet d’une surveillance sectorielle sur le principe de l’auto-régulation, via la «Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB 20)» du 13 juin 2018. Edictée par l’Association suisse des banquiers (ASB) et approuvée par la FINMA, elle prévoit notamment l’obligation d’identifier le cocontractant et l’ayant droit économique d’une relation d’affaires. La LBA ne s’applique pas à de nombreuses activités, comme le secteur immobilier ou le marché de l’art, qui restent opaques.

    Des lacunes significatives dans la lutte contre le blanchiment existent dans les cas de figures suivants:

    • Les activités de création de sociétés et trusts, ainsi que la gestion des avoirs par les fiduciaires et conseillers.
    • La LBA ne s’applique aux activités des avocat·e·s qu’en cas d’accès direct aux fonds qu’ils administrent. Par ailleurs, les avocat·e·s n’ont pas l’obligation de communiquer leurs soupçons lorsqu’ils sont soumis au secret professionnel, notamment dans leurs activités de représentation en justice et de conseil juridique.
  • La FINMA

    La FINMA surveille le respect des obligations édictées par la loi sur le blanchiment d’argent aux intermédiaires financiers (obligations de diligence et de communication). Cette surveillance s’effectue principalement via des sociétés d’audit mandatées par la FINMA. Elle peut aussi procéder elle-même à des contrôles sur place. Si la FINMA, sur la base d’indices, constate des violations de la LBA ou d’autres irrégularités, elle est habilitée, «dans les cas graves», à prendre des mesures.

    La FINMA peut notamment procéder à des vérifications spéciales, ouvrir une procédure d’enforcement et confisquer les bénéfices d’un intermédiaire financier.

  • Le MROS

    En cas de soupçon fondé, les intermédiaires financiers ont l’obligation de communiquer au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) du Département fédéral de justice et police. Après avoir évalué le cas, le MROS peut décider de transmettre le dossier aux autorités de poursuites pénales. En 2019, le MROS leur a envoyé plus de 2000 rapports (sur la base de 7705 communications, dont certaines n’avaient pas encore été traitées).

    Le nombre de communications au MROS est en constante augmentation. Le montant agrégé des avoirs faisant l’objet de communications s’élevait à 12,9 milliards de francs en 2019 (décembre non comptabilisé). Le nombre de communications liées à des faits de corruption croît constamment en Suisse. Dans près d’un quart des cas, la corruption était l’infraction préalable au blanchiment d’argent.

  • Le Groupe d'Action Financière (GAFI)

    Le Groupe d'Action Financière (GAFI) est un organisme international créé lors du Sommet du G7 de Paris en 1989. Son objectif principal est de lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et autres menaces pour l’intégrité du système financier international, notamment grâce à l'élaboration de normes et mesures législatives et réglementaires. Il a ainsi élaboré une série de Recommandations, reconnues comme norme internationale. Publiées en 1990, les Recommandations du GAFI ont été révisées en 1996, 2001, 2003 et plus récemment en 2012.

    Le GAFI évalue continuellement le niveau de mise en œuvre de ses recommandations par ses membres. Il s’agit d’examens par les pairs : les membres de différents pays évaluent un autre pays. Au terme de la dernière évaluation complète de la Suisse par le GAFI en 2016, celui-ci a relevé de nombreuses lacunes dans son dispositif anti-blanchiment, notamment le fait que certaines activités des avocats, notaires, fiduciaires et agents immobiliers ne sont pas couvertes par la LBA. Le GAFI constatait aussi que les banques et autres intermédiaires financiers devraient mieux remplir leurs devoirs de diligence et que les compétences du MROS devraient être étendues. Après le 3e rapport de suivi de janvier 2020, la Suisse a été placée dans le processus de suivi renforcé car les mesures attendues faisaient encore défaut.

Le cadre pénal

Plus d'informations

  • Le blanchiment d’argent

    Le Code pénal suisse met l’accent sur la nécessité de prouver l’intention criminelle pour qu’une infraction puisse être retenue. Il réprime le blanchiment d'argent à l'art. 305bis CP sous sa définition élargie depuis le 1er janvier 2016: la qualification d’infraction préalable au blanchiment d’argent concerne non seulement le produit d’un crime mais aussi celui d’un délit fiscal qualifié. L’acte de blanchiment résulte de la volonté de masquer ou dissimuler l’origine illégale ou criminelle de valeurs patrimoniales, et rend ainsi impossible (ou contrarie fortement) la détermination de l'origine de ces avoirs, et par là-même le fait de les découvrir et de les confisquer. Le Code pénal suisse sanctionne également le défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art. 305ter CP).

  • La corruption d’agents publics

    Qu’est-ce qu’un agent public? Par agent public, on entend tout membre d’une autorité judiciaire ou autre, fonctionnaire, expert, traducteur, interprète, arbitre ou militaire (article 322ter CP), ainsi que tout particulier qui accomplit une tâche publique (article 322decies, alinéa 2, CP). Par agent public étranger, on entend toute personne appartenant à l’une de ces catégories qui agit pour un Etat étranger ou une organisation internationale (article 322septies CP).

    Corruption active ou passive? La corruption est active lorsque, dans le cas d’un agent public, un avantage indu est offert, promis ou octroyé en sa faveur ou en faveur d’un tiers, pour l’exécution ou l’omission d’un acte en relation avec son activité officielle et qui soit contraire à ses devoirs ou dépende de son pouvoir d’appréciation (article 322ter et article 322septies al. 1 CP).

    Est coupable de corruption passive quiconque aura sollicité, se sera fait promettre ou aura accepté un avantage indu, en sa faveur ou celle d’un tiers, pour l’exécution ou l’omission d’un acte en relation avec son activité et qui soit contraire à ses devoirs ou dépende de son pouvoir d’appréciation (article 322quater et article 322septies al. 2 CP)

    La notion d’avantage

    Selon le code pénal, l’«avantage indu» est lié à l’exécution ou l’omission d’un acte concret. Il y a un échange de prestations. Par octroi ou acceptation d’un avantage, on entend, en ce qui concerne l’agent public, les avantages indus (cadeaux) qui sont octroyés ou acceptés non pas en relation avec un acte officiel déterminé, mais, plus généralement, dans la perspective de l’accomplissement des devoirs de sa charge (articles 322quinquies et 322sexies CP; «pour entretenir les relations»).

    En Suisse, l’octroi et l’acceptation d’un avantage ne sont punissables que s’il s’agit d’agents publics helvétiques. Dans tous les cas (corruption et octroi ou acceptation d’un avantage au sens des articles 322ter à 322septies CP), il est possible de renoncer aux poursuites pénales, au renvoi devant un tribunal ou à toute peine s’il s’agit d’un acte d’importance mineure (article 52 CP). De plus, les avantages autorisés par le règlement de service ou ceux de faible importance, conformes aux usages sociaux, ne constituent pas des avantages indus (article 322decies, alinéa 1 CP).

    Responsabilité pénale

    En cas de corruption, c’est d’abord la personne physique qui est responsable et poursuivie pénalement. En cas de corruption d’agents publics, en Suisse ou à l’étranger, les personnes physiques seront punies d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire (articles 322ter et 322septies CP).

  • La responsabilité pénale de l’entreprise (art. 102)

    La responsabilité pénale des entreprises (les intermédiaires financiers ou les sociétés de négoce, par exemple) peut être engagée pour défaut d’organisation, lorsqu’un employé commet un crime ou un délit dans le cadre de ses activités au sein de l’entreprise, y compris des actes de blanchiment ou de corruption.