Les organisations de développement lancent une campagne contre le «paradis fiscal suisse»

13.05.2003 - La Communauté de travail des organisations d’entraide et la Déclaration de Berne reprochent à la Suisse de favoriser la fraude et l’évasion fiscales à l’échelle du globe et de provoquer ce faisant des pertes de revenus considé-rables pour les pays en développement. Pour stopper le reflux de capitaux, il y aurait lieu d’étendre la convention sur la fiscalité de l’épargne, passée avec l’UE, aux pays en développement également. Il s’agirait aussi de sup-primer à moyen terme la distinction faite entre soustraction à l’impôt et fraude fiscale puisqu’elle favorise unilatéralement les étrangers fortunés qui, souvent, sont issus de pays en développement et y échappent au fisc. Les deux organisations de politique de développement citées entendent s’engager non seulement en Suisse mais encore à l’échelle du globe pour que les «profiteurs de la mondialisation doivent à nouveau payer des im-pôts». Main dans la main avec des délégués d’Angleterre (un ancien conseil-ler gouvernemental du refuge fiscal de Jersey) et d’Allemagne, elles ont pré-senté à Berne le «Réseau international pour la justice fiscale» qui coordonne les activités dans divers pays. Des organisations et des personnalités de nombreux Etats européens et américains en font partie. En Suisse, les deux ONG entendent convaincre d’autres organisations de fonder une «ligue pour l’équité fiscale».

La Communauté de travail des organisations d’entraide et la Déclaration de Berne critiquent le caractère unilatéral de la mondialisation. Grâce à la libéralisation pla-nétaire des mouvements de capitaux, des multinationales et des gens extrême-ment fortunés peuvent se soustraire toujours plus aisément à l’imposition ordi-naire, a constaté Andreas Missbach de la Déclaration de Berne (DB). Le commer-ce offshore développé à partir des refuges fiscaux se serait développé en un sec-teur d’activité planétaire central. Les multinationales déclareraient leurs gains là où sont appliqués les taux d’imposition les plus bas. Du point de vue comptable, plus de la moitié du commerce mondial transiterait pour cette raison par les paradis fis-caux. Mais aussi les particuliers extrêmement fortunés auraient tendance à dissi-muler leur argent dans les paradis fiscaux tel que la Suisse plutôt que de le sou-mettre à l’impôt régulier. «Si le segment le plus riche de la société rompt ainsi avec le pacte social, la cohésion sociale et la démocratie sont mises en péril», a averti Missbach. L’évasion fiscale et la concurrence en matière fiscale seraient à l’origine d’un manque à gagner substantiel pour les pays en développement. Cer-taines estimations avancent 50 milliards de dollars – un montant identique à l’aide au développement consentie à l’échelon de la planète.

Revendications au Conseil fédéral

La Suisse continue de jouer un rôle central «dans l’aide à la fraude fiscale interna-tionale» a critiqué Bruno Gurtner de la Communauté de travail Swissaid, Action de Carême, Pain pour le prochain, Helvetas, Caritas et Eper. Il a exhorté le Conseil fédéral à étendre le traité sur la fiscalité de l’épargne passé avec l’UE aux pays en développement. «Si la Suisse le faisait, les pays en développement recevraient plus de fonds que notre pays leur octroie actuellement au titre de l’aide au déve-loppement», a expliqué Gurtner. La Suisse en tant qu’Etat devrait arrêter «de favoriser la soustraction à l’impôt des riches étrangers» et gommer la distinction qu’elle est la seule à faire entre fraude fiscale et soustraction simple à l’impôt. Elle devrait aussi arrêter son opposition au programme de l’OCDE visant à démanteler les pratiques fiscales dommageables et mieux contrôler et réguler les activités off-shore des sociétés suisses, a exigé Gurtner.

«Réseau international pour la justice fiscale»

Pour coordonner et renforcer les efforts visant à plus de justice fiscale au plan international, la Communauté de travail des organisations d’entraide et la Déclara-tion de Berne ont participé activement à l’établissement d’un réseau mondial. «Le réseau international pour la justice fiscale montre que la critique adressée à la Suisse n’est pas seulement le résultat de la jalousie et de la concurrence à la-quelle se livrent les places financières», a-t-on pu entendre à la conférence de presse. Un délégué d’une organisation membre du réseau, John Christensen, an-cien conseiller du gouvernement de l’île britannique de Jersey, a attiré l’attention sur le fait que proposer uniquement des prestations financières causait de graves problèmes sociaux et économiques aux îles britanniques de la Manche et que cela avantageait uniquement les multinationales. «Ces dernières doivent comprendre elles aussi que la critique mondiale à l’encontre de leur politique est justifiée, et qu’elles doivent de toute urgence chercher de nouvelles stratégies économiques.»