Accord de libre-échange avec l’Inde: la Suisse protège sa pharma au détriment des patient·es pauvres

Selon la presse, la Suisse et ses partenaires de l’AELE seraient tout proches de finaliser un accord de libre-échange avec l’Inde. Une fuite récente suggère qu’il contient des clauses allant au-delà des obligations internationales, qui auraient des conséquences dramatiques sur l’accès aux médicaments vitaux non seulement en Inde, mais aussi dans d’autres pays économiquement plus faibles. Il est urgent que la Suisse rectifie le tir.

Lettre ouverte adressé à Guy Parmelin, Elisabeth Baume-Schneider, Ignazio Cassis ainsi qu’à la Secrétaire d’Etat à l’économie Helene Budliger Artieda.

L’accord, négocié à l’abri de tout regard, contient selon une fuite du 12.2.2024 des demandes très dommageables de la Suisse en lien avec la propriété intellectuelle. Le texte ayant fuité contient en effet des clauses allant au-delà du standard instauré par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, ou TRIPS en anglais) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), comme une exclusivité des données expérimentales servant à l'homologation de médicaments d’une durée minimale de six ans.

L’Inde se conforme pourtant pleinement à l’Accord ADPIC, et aucune des clauses voulues par la Suisse ne sont requises par les règles de l’OMC – d’où leur surnom de clauses ADPIC+ (ou TRIPS+). Un régime d’exclusivité des données expérimentales, qui viendrait s’ajouter aux monopoles de brevets déjà existants, aurait des conséquences d’autant plus désastreuses sur l’accès précoce à des versions moins chères de nouveaux médicaments, non seulement pour les patient·es en Inde mais aussi dans d’autres pays économiquement plus faibles qui dépendent de génériques de qualité plus abordables produits en Inde.

Inutile et dommageable

L’Inde représente bien moins de 1% du total des exportations suisses de médicaments. Avec sa volonté de renforcer la propriété intellectuelle, la Suisse entend (sur)protéger son industrie pharmaceutique et leurs profits liés aux monopoles, au détriment de patient·es en Inde et au-delà. 

Public Eye a adressé aujourd’hui un appel urgent au Conseiller fédéral en charge de l’économie Guy Parmelin, à la Conseillère fédérale en charge de la santé Elisabeth Baume-Schneider, au Conseiller fédéral en charge des affaires étrangères Ignazio Cassis ainsi qu’à la Secrétaire d’Etat à l’économie Helene Budliger Artieda, demandant à la Suisse de retirer immédiatement les clauses ADPIC+ incluses dans le texte de l’accord. L’analyse d’impact commanditée par l’Union européenne dans le cadre de son accord bilatéral avec l’Inde (également en négociation) recommande clairement de renoncer aux clauses ADPIC+ afin de ne pas mettre en péril l’accès aux médicaments – et donc le droit à la santé – dans les pays économiquement plus faibles. La Suisse n’a même pas effectué une telle analyse, du moins pas sous forme de publication officielle.