Bilan de la campagne "Se soigner®": Dénonciation réussie

En matière d'accès aux médicaments dans les pays pauvres, la politique de la Suisse et de son industrie pharmaceutique tient du “hâte-toi lentement”. Pas de revirement spectaculaire, mais le problème ne peut plus être ignoré. Les milliers de cartes postales de la campagne ont montré qu'une partie des habitants de ce pays attend un changement en faveur des malades du Sud.

Le 25 avril 2003, la Déclaration de Berne lançait la campagne “Se soigner®: un droit pour tous, aussi dans les pays pauvres!” avec le soutien de 48 organisations. Le but: que la Suisse et son industrie pharmaceutique renoncent à défendre un haut niveau de protection des brevets au détriment de la santé publique et de l'accès aux médicaments essentiels et vitaux dans les pays en développement. A cette fin, nous vous invitions à protester auprès du Conseil fédéral et de Roche par l’envoi d’une carte postale. Où en sommes-nous aujourd'hui?

Suisse ambivalente

En novembre 2001, lors de la Conférence ministérielle de l'OMC à Doha, la Suisse était un des derniers Etats, avec les Etats-Unis, à accepter une déclaration sur la propriété intellectuelle et la santé publique. Aujourd'hui, la Suisse continue certes à défendre une position dure en matière de brevet, mais elle a adopté un profil plus bas à l'OMC, notamment dans les négociations sur l’accès aux médicaments génériques pour les pays sans capacité de production. Elle a accepté le compromis du 30 août 2003 que la DB a fortement critiqué, parce qu’il était trop compliqué et peu praticable (voir Solidaire N° 173). La Suisse est par contre plus agressive dans le cadre des négociations commerciales bilatérales. Nous le dévoilons dans ce numéro du Solidaire (lire page 12).
En mettant l’accent sur l'accès aux antirétroviraux dans les pays pauvres, la campagne a lancé le débat en faveur d’un engagement accru des acteurs de la coopération suisse (DDC et ONG) pour étendre les traitements contre le sida dans les pays en développement. En avril 2004, la DB a invité Jeanne Gapiya Niyonzima pour témoigner de l'expérience de son association qui traite environ un millier de personnes au Burundi (voir Solidaire N° 175).

Roche au coup par coup

Plusieurs avancées sont à signaler, même si beaucoup reste à faire. Le 15 janvier 2004, Roche a annoncé l'accord conclu avec la Fondation Clinton pour baisser le prix de ses tests diagnostics dans quelques pays d'Afrique et dans les pays des Caraïbes. On attend toujours l'adoption d'une politique de prix transparente et claire pour ces produits. Dans sa correspondance avec la DB, Roche a reconnu qu'une approche “taille unique pour tous” en matière de propriété intellectuelle au niveau mondial était impossible. On attend la concrétisation de cette reconnaissance dans son attitude générale face à la protection des brevets. Le 8 juin 2004, Roche a annoncé une baisse de 30% de ses deux antirétroviraux essentiels (Nelfinavir et Saquinavir) dans des pays à revenu faible et intermédiaire. Un pas dans la bonne direction, même si, à 2700 francs par patient et par an, le prix demeure très élevé pour des personnes vivant avec l’équivalent de 500 francs par année.

Julien Reinhard

P.-S. Un grand merci à vous tous qui avez envoyé une carte postale de protestation au Conseil fédéral et à Roche. Une année et demie après le lancement de la campagne, nous cessons la diffusion de ces cartes... mais pas notre engagement!