Grève à Nestlé Corée

En avril 2003, la direction de Nestlé Corée (filiale de la société Nestlé) décide d’un programme de restructuration. Conséquences: réengagement de plusieurs dizaines d’employés comme intérimaires et licenciement pour les autres. Le syndicat coréen de Nestlé tente de négocier les nouvelles conditions de travail, mais les discussions sont rapidement interrompues, la direction refuse d’entrer en matière.

Au début du mois de juillet, à l’appel de leur syndicat, les 450 ouvriers de l’usine de Cheong-ju (seul site de production de Nestlé en Corée) débutent une grève qui va durer près de cinq mois. Le conflit s’intensifie lorsque Nestlé décrète un lock-out(1) et menace de délocaliser ses activités. Début septembre, plusieurs lettres envoyées aux employés ainsi qu’une conférence de presse émettent le même message: les activités de production de Nestlé en Corée ne seront pas maintenues si la situation actuelle persiste. Sam Lee, directeur exécutif de la filiale coréenne, laisse même entendre, dans la presse internationale, que “la Corée du Sud pourrait perdre l’investissement étranger [de Nestlé] au profit de la Chine, ou tout autre pays où le marché du travail est plus flexible et les syndicats plus dociles”(2).

Violation des directives de l’OCDE
Menacés, les travailleurs demandent une aide d’urgence à l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA). La menace de délocalisation étant condamnée par l’article IV.7 (3) des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Paul Garver, en charge du dossier à l’UITA, appuyé par l’Union syndicale suisse, porte l’affaire auprès des Points de contact nationaux (PCN) coréen et suisse, qui sont les organes de relais des Principes directeurs.
Appelé à intervenir, le PCN suisse organise plusieurs rencontres entre une délégation de syndicalistes coréens, l’UITA et des représentants de Nestlé. Les négociations aboutissent, début décembre, à un accord qui met fin à 145 jours de grève. Une nouvelle convention collective de travail est conclue et prévoit une augmentation de 5,5% des salaires ainsi que la création d’une commission composée de membres de la direction et de représentants syndicaux, chargée d’examiner toute restructuration des conditions de travail. D’autre part, Nestlé renonce à poursuivre les grévistes et leur syndicat en justice.

Des grévistes très motivés
Selon Paul Garver, l’accueil de la délégation coréenne par le PCN suisse, alors que les grévistes étaient sans revenu depuis près de cinq mois, a renforcé leur détermination. Mais c’est essentiellement l’engagement des syndicats qui a été la clé de voûte de cette issue favorable, non l’arbitrage du PCN.

Tanja Guggenbühl


1) Lors d’un conflit de travail, action de la direction de fermer les portes de l’entreprise, empêchant les travailleurs d’entrer, afin d’exercer des pressions sur leurs revendications.
2) Financial Times du 4 septembre 2003.
3) Cet alinéa précise: “Lors des négociations menées de bonne foi avec des représentants des salariés sur les conditions d’emploi, les entreprises ne devraient pas menacer de transférer hors du pays en cause tout ou partie d’une unité d’exploitation (...) en vue d’exercer une influence déloyale sur ces négociations.”