Mise en oeuvre de la décision de l'OMC sur le paragraphe 6 de Doha

La Suisse est en train de réviser sa loi sur les brevets. A cette occasion elle prévoit d'ajouter deux articles dans la loi afin de mettre en œuvre la décision du 30 août 2003 de l'OMC sur les licences obligatoires pour l'exportation vers des pays sans capacités de fabrication de produits pharmaceutiques. La Déclaration de Berne a pris part à la consultation publique sur la loi proposée et a fait des commentaires et suggestions sur le texte proposé.

I. Dispositions proposées par le gouvernement suisse dans le projet de révision de loi sur les brevetsG. Licences obligatoires pour l'exportations de produits pharmaceutiques

Art. 40c (nouveau)
1 Toute personne peut demander au juge l’octroi d’une licence non exclusive pour la fabrication et l’exportation de produits pharmaceutiques protégés par un brevet vers un pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n’en disposant pas dans le secteur pharmaceutique dont la population est touchées par des touchée par des problèmes de santé publique tels que le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme ou d'autres épidémies (pays bénéficiaire).
2 Si un pays déclare qu’il renonce partiellement ou totalement à bénéficier d’une licence selon l’al. 1, il en est exclu dans la mesure de sa déclaration.
3. Seule la quantité de produits pharmaceutiques nécessaire afin de satisfaire les besoins du pays bénéficiaire peut être produite sous la licence prévue à l'al. 1; la totalité de cette production doit être exportée dans le pays bénéficiaire.
4. Le titulaire de la licence prévue à l'al. 1 veille à distinguer ses produits des produits protégés par un brevet.
5 Le Conseil fédéral précise les conditions d’octroi de la licence prévue à l’al.1. Il fixe en particulier l’objet, les pays bénéficiaires et les conditions de la licence, de même que les mesures devant être prises afin d’empêcher le détournement des produits.

H. Dispositions communes aux art. 36 à 40c

Art. 40d

1 Les licences prévues aux art. 36 à 40c ne sont accordées que lorsque les efforts entrepris par le requérant afin d’obtenir une licence contractuelle à des conditions commerciales raisonnables n’ont pas abouti dans un délai raisonnable. De tels efforts ne sont pas nécessaires dans des situations d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence.
2. L'étendue et la durée de la licence sont limitées aux fins auxquelles celle-ci a été accordée.
3. La licence ne peut être cédée qu'avec la partie de l'entreprise qui l'exploite. Il en est de même des sous-licences.
4. La licence est accordée principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur. L'art. 40c demeure réservé.
5. Sur requête, le juge retire la licence à l'ayant droit, si les circonstances qui ont justifié son octroi cessent d'exister et qu'il est vraisemblable qu'elles ne se reproduiront pas. La protection adéquate des intérêts légitimes de l'ayant droit est réservée.
6 Le titulaire du brevet a droit à une rémunération adéquate. Celle-ci est déterminée compte tenu du cas d’espèce et de la valeur économique de la licence.
7. Le juge décide de l'octroi et du retrait de la licence, de l'étendue et de la durée de celle-ci et de la rémunération à verser.

Le texte original en français est disponible sur:
www.ige.ch/F/jurinfo/j100.shtm
Le texte original en allemand est disponible sur:
www.ige.ch/D/jurinfo/j100.shtm

II. Commentaires de la Déclaration de Berne
1) Problèmes de santé publique couverts
Le texte proposé devrait être modifié afin d'établir clairement que tous les problèmes de santé publique sont inclus et que l'article n'est pas limitée aux grandes épidémies de maladies contagieuses comme le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose. C'est un point important car le rapport explicatif du gouvernement suisse sur le projet de loi est ambigu. Les versions françaises et allemandes ne mentionnent que les "graves problèmes de santé publique, comme le VIH/sida ou le paludisme" (page 33) (en allemand "gravierender öffentlicher Gesundheitsprobleme wie beispiels-weise von HIV/Aids oder Malaria" (page 32) ). Une telle formulation restreint la Déclaration de Doha sur l'accord sur les ADPIC et la santé publique que la Suisse a signée en novembre 2001.

2) Produits couverts
Dans son rapport explicatif le gouvernement suisse considère que les vaccins et les tests diagnostics sont compris dans la définition des produits pharmaceutiques. C'est un point positif à souligner.

3) Pays éligibles
Le projet proposé devrait être modifié afin d'établir clairement que tous les pays peuvent être éligibles. La Suisse ne devrait pas ajouter d'autres conditions pour exclure des pays.

4) Type de procedure
Dans le projet les licences obligatoires pour l'exportation dans des pays sans capacités de fabrication de produits pharmaceutiques ne seraient accordées que suite à une procédure judiciaire (devant un juge). Une telle procédure pourrait être longue, chère et lourde. Une procédure administrative serait plus courte, meilleur marché et plus aisée. Nous regrettons que le gouvernement suisse n'explore pas cette possibilité.

5) Impact des mesures contre le détournement sur le prix
Le texte de loi insiste sur les mesures contre la détournement sans égard sur leur éventuel impact sur le prix des produits. Le projet de loi devrait être modifiés afin de poser clairement que les mesures contre le détournement de produits ne doivent pas augmenter le prix des produits.

6) Rémunération
Le projet proposé devrait être proposé afin de fixer les droits de licence à 2% maximum de la valeur du produit. D'autres solutions comme un pourcentage lié à l'Index de Développement Humain similaire à l'amendement de la loi canadienne (C9) devrait être exploré.

7) Pas de doubles négociations non nécessaires
Selon la décision de l'OMC du 30 août 2003, les licences obligatoires devront être accordée à double, dans le pays d'importation et dans le pays d'exportation, si le produit est breveté dans les deux pays. Par conséquent le projet de loi proposé devrait être modifié afin d'assurer que le demandeur ne soit pas obligé de négocier une deuxième fois avec le détenteur de brevet dans le pays d'exportation si des négociations avec ce dernier ont déjà échoué dans le pays d'importation.