Comment Holcim pollue l’air en Serbie en toute impunité

Les émissions d’une cimenterie de Holcim dans le nord de la Serbie sont non seulement très nocives pour la santé, mais elles violent aussi les limites légales en vigueur dans le pays. C’est ce que révèle une enquête soutenue par le prix d’investigation de Public Eye, qui explique pourquoi le géant du ciment suisse n’a jamais dû faire face à ses responsabilités. Avec le contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables, Holcim ne sera contraint à aucun devoir de diligence en Suisse.

Depuis près de vingt ans, le plus grand producteur mondial de matériaux de construction, qui a récemment installé son siège dans le paradis fiscal de Zoug, exploite l’une des usines les plus polluantes de Serbie. Depuis 2018, les fours de la cimenterie de Beočin incinèrent des déchets médicaux, des pneus de voiture et des plastiques, en plus de la totalité des déchets ménagers de la commune. Une analyse des émissions réalisée fin 2019 par l’inspection régionale pour la protection de l’environnement a montré que pour certaines substances nocives, comme le dioxyde de soufre ou l’ammoniac, les valeurs limites légales étaient massivement dépassées (jusqu’à 200%). Les conséquences pour la population de cette ville industrielle sont dévastatrices: «On ne peut plus respirer ici», se plaignent des habitant·e·s proches de l’usine, qui souhaitent rester anonymes par peur des représailles. S’il n’existe pas de données sanitaires officielles, celles du cimetière montrent que le taux de mortalité par cancer est plus élevé que la moyenne nationale.

Le rapport de l’inspection régionale, dont Public Eye a eu copie, avait été directement transmis au procureur compétent. Mais les habitant·e·s de Beočin attendent toujours en vain l’ouverture d’une procédure ou d’autres sanctions de l’État. Le reportage du journaliste serbe Milorad Ivanovic, lauréat de notre Prix de l’investigation 2020, met en lumière les raisons de cette impunité. Il montre aussi que même les États européens n’ont souvent pas la volonté ou la capacité de protéger leurs populations des effets néfastes des activités de sociétés étrangères. La Suisse a donc une responsabilité politique et juridique. Dans le contre-projet alibi à l’initiative pour des multinationales responsables, le ciment n’est pas couvert par la nouvelle obligation de diligence raisonnable. Holcim ne serait pas donc concerné par l’ordonnance encore plus édulcorée actuellement en consultation.

Le contre-projet et l’ordonnance ignorent totalement les problèmes sur le terrain et vont même moins loin que certaines initiatives internes d’entreprise, à l’instar de la récente déclaration d’intention du PDG d’Holcim Jan Jenisch. Son engagement volontaire en matière de diligence raisonnable identifie non seulement la santé et la sécurité comme les principaux risques pour le producteur de ciment en matière de droits humains, mais établit aussi un catalogue de mesures pour les minimiser de manière systématique. Le premier test de crédibilité de la nouvelle «Human Rights Directive» de Holcim sera de protéger la population de Beočin en réduisant drastiquement les émissions de sa cimenterie.

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Géraldine Viret, responsable médias, Public Eye, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch