La mise en œuvre des règles relatives aux multinationales commence au niveau de l’UE. La Suisse doit rattraper son retard

L’UE a conclu aujourd’hui les négociations sur la révision de ses règles en matière de responsabilité des multinationales. Les États membres ont désormais jusqu’en 2028 pour mettre en œuvre la directive sur la responsabilité des multinationales. La Suisse a ainsi l’opportunité de rattraper son retard et de mettre en vigueur des règles efficaces pour les multinationales, comme dans les pays voisins.

Le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté un «paquet Omnibus» visant à simplifier et à harmoniser diverses réglementations en matière de durabilité. Aujourd’hui, les institutions européennes se sont mises d’accord sur le texte final du paquet Omnibus 1. Il est désormais clair que tous les États membres de l’UE devront mettre en œuvre les directives sur la responsabilité des multinationales (CSDDD et CSRD) d’ici 2028 et prévoir des règles efficaces pour les multinationales (devoir de diligence, obligation climatique, surveillance et responsabilité).

Le projet modifie certaines dispositions des directives sur la responsabilité des multinationales sans remettre en cause l’efficacité globale de ces règles. Claude Ruey, ancien Conseiller d’État, ancien Conseiller national PLR et membre du comité d’initiative, déclare: «Le Conseil fédéral a promis d’adopter une approche coordonnée au niveau international en matière de responsabilité des multinationales. La Suisse doit à présent tenir cet engagement et rattraper rapidement son retard en adoptant, comme l’UE, des règles efficaces pour les multinationales. C’est ce que nous demandons avec l’initiative pour des multinationales responsables.»

Champ d’application: la Suisse doit tenir compte du secteur à haut risque des matières premières

La décision de l’UE de limiter les nouvelles règles en matière de responsabilité des multinationales aux très grandes sociétés, qui comptent plus de 5'000 employé·e·s et dont le chiffre d’affaires dépasse 1,5 milliard d’euros, constitue toutefois un recul extrêmement regrettable pour la protection des droits humains et de l’environnement. Si la Suisse reprenait ces seuils, de nombreuses multinationales actives dans le secteur des matières premières et impliquées dans des activités problématiques ne seraient pas tenues de se conformer aux nouvelles règles.

Parmi les exemples récents, on peut citer la raffinerie d’or MKS-Pamp, qui traite de l’or problématique provenant notamment du Libéria, la multinationale agroalimentaire Socfin, dont les plantations sont pointées du doigt pour des cas récurrents de violences sexuelles, ou encore la société genevoise IXM, spécialisée dans le commerce des matières premières, qui est co-responsable d’une importante pollution à l’arsenic en Namibie.

Dominique de Buman, ancien Conseiller national du Centre et membre du comité d’initiative, commente: «En tant que centre mondial de négoce de matières premières, la Suisse a une importante responsabilité et doit veiller à ce que les multinationales du secteur des matières premières qui sont établies dans le pays soient tenues de répondre de leurs actes lorsqu’elles violent les droits humains et polluent l’environnement. Pour cela, il faudrait établir des seuils plus bas dans les secteurs à haut risques.»

Après une récolte record, le débat politique sur l’initiative commence

La nouvelle initiative pour des multinationales responsables a été lancée en janvier 2025 et a recueilli un nombre record de signatures, grâce à l’engagement de milliers de bénévoles. Le comité d’initiative est composé de personnalités politiques de tous bords, d’entrepreneurs et de représentant·e·s de la société civile. En mars 2025, le Conseil fédéral a décidé d’étudier des options de modification de la législation et, après le dépôt de l’initiative, a annoncé qu’il élaborerait un contre-projet. La consultation devrait débuter au printemps 2026.

Cette initiative a pour contexte les violations des droits humains et la destruction de l’environnement perpétrées par des multinationales basées en Suisse. Parmi les exemples récents, on peut citer l’utilisation de pesticides hautement toxiques dans la culture de cacao destiné à Lindt&Sprüngli, le mica extrait par des enfants dans la chaîne d’approvisionnement d’ABB, ou une mine de Glencore qui pollue toute une région au Pérou.

Vous trouverez ici une comparaison entre les règles prévues au niveau européen en matière de responsabilité des multinationales et l’initiative suisse.