Matières premières: la fusion Glencore-Xstrata rend la transparence plus nécessaire que jamais

Lausanne, 20.11.2012 - Les actionnaires de Glencore et Xstrata doivent approuver aujourd’hui la fusion des deux géants zougois des matières premières. Le colosse qui devrait naître de ces noces aura une taille semblable à celle des leaders mondiaux de la branche extractive (Rio Tinto, BHP Billiton, Vale). Mais, contrairement à eux, il aura une propension élevée au risque, héritée de Glencore, l’agressif négociant en matières premières. Le mélange promet d’être détonant.

On peut se demander quelle culture dominera dans la future Glenstrata. Certes, Xstrata est toujours impliquée dans de pénibles conflits avec les populations voisines de ses mines, au Pérou, aux Philippines ou ailleurs. Mais du point de vue de la qualité de ses rapports sociaux et environnementaux, ou du point de vue des accidents de travail mortels, Xstrata se différencie peu des majors minières. Rapporté au chiffre d’affaires, le nombre d’ouvriers morts en service chez Xstrata est tout de même le double de BHP Billiton. Mais chez Glencore, cette proportion est carrément 16 fois supérieure.

Parmi les raisons de cet écart, le goût du risque des managers de Glencore. Celui-ci transparaît dans les opérations qu’ils mènent sans scrupules dans des zones de faible gouvernance, comme par exemple en République démocratique du Congo (RDC). Alors que les trois autres majors minières font ici preuve d’une certain retenue, Glencore n’a pas hésité à s’engager depuis des années à fond dans ce pays déchiré par la guerre civile, ni à recourir à cette fin aux services de douteux entremetteurs, comme Dan Gertler. Corruption, accidents de travail, violations des droits humains : voici à quoi ressemble le quotidien de Glencore en RDC.

Au cours des derniers mois, le contexte international évolue heureusement d’une façon encourageante pour la population ultra-pauvre des pays du Sud, riches en matières premières. Après les USA, l’Union européenne est en passe d’introduire une norme légale contraignant les entreprises extractives à publier le détail de leurs paiements aux gouvernements des pays dans lesquels ils sont actifs. Cette transparence accrue permettrait aux populations civiles des pays concernés de disposer enfin des informations décisives pour savoir où passent les milliards provenant de l’exploitation des ressources naturelles dont ils sont les premiers à faire les frais, et de demander des comptes à leurs gouvernements à ce propos.[1]

Les projets de directives américaines et UE ne couvriraient cependant qu’une petite part des paiements ayant cours dans le négoce des matières premières. Plaque tournante d’où s’effectue un quart des opérations de négoce international, la Suisse fait face, ici, à une grosse responsabilité. Il appartient au Conseil fédéral de participer à cet effort global de transparence, et d’empêcher qu’une législation suisse lacunaire permette de contourner depuis notre pays la réglementation internationale. Nos autorités répondront dans les jours qui viennent à une motion Hildegard Fässler (PS/SG) qui demande de renforcer la transparence des flux de paiements entre les entreprises de matières premières et les gouvernements.

[1] Lire la déclaration récente du vice-premier ministre britannique Nick Clegg à ce propos