Novartis renonce au brevet du Kymriah contesté par Public Eye

Victoire inédite pour la santé publique: Novartis abandonne un brevet sur le Kymriah, en réaction à l’opposition de Public Eye et Médecins du Monde. Cette volte-face confirme que ce brevet n’aurait jamais dû être octroyé, son traitement personnalisé contre le cancer reposant sur une technologie déjà connue. Elle questionne aussi la validité des autres brevets du Kymriah et fragilise la position de monopole du géant bâlois lors de futures révisions des prix.

Par la voix de leur avocat, les propriétaires du brevet contesté sur le traitement personnalisé contre le cancer Kymriah ont demandé, le 29 novembre 2019, sa révocation au motif qu’ils n’approuvent plus le texte sur la base duquel celui-ci a été approuvé. Si Novartis n’est pas le titulaire officiel du brevet, il en a chèrement acquis les droits exclusifs, et a donc pesé de tout son poids sur cette décision. Confirmée par l’Office européen des brevets (OEB) à Munich, dont la Suisse dépend également, cette révocation fait suite à l’opposition déposée en juillet dernier par Public Eye et Médecins du Monde. Les deux ONG demandaient l’annulation de ce brevet, car la technologie à la base du Kymriah était déjà connue. Ce retrait inattendu, avant même que la procédure d’opposition n’ait vraiment commencé, confirme indirectement le caractère abusif du brevet, et souligne la volonté du géant bâlois d’éviter un dangereux précédent. Ces mêmes raisons ont dû peser dans la balance lors du retrait unilatéral en septembre 2019 d’une demande pour un autre brevet du Kymriah dont les revendications étaient très proches.

C’est la première fois qu’une opposition dans le domaine des brevets de la Pharma initiée par des ONG aboutit à une révocation en Europe. Il s’agit d’un pas important dans la lutte contre l’utilisation abusive des droits de propriété intellectuelle, qui met en péril la pérennité financière des systèmes de santé, en Suisse également. Le monopole conféré par ces brevets permet en effet une politique de prix irresponsable, comme l’atteste le montant exorbitant obtenu par Novartis pour cette thérapie en Suisse: 370 000 francs pour une injection. Le Kymriah étant protégé par d’autres brevets, cette victoire ne permet pas d’en finir avec le monopole en vigueur sur ce traitement. Pour autant, elle fragilise la position de Novartis lors de futures révisions des prix par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ainsi que des modalités de remboursement par l’assurance de base. L’OFSP doit exiger un prix plus raisonnable.

La révocation de ce brevet devrait en outre profiter à l’initiative des principaux hôpitaux universitaires pour le développement de thérapies similaires contre le cancer sensiblement moins chères. Enfin, cette volte-face doit amener à questionner la validité d’autres brevets du Kymriah, et inciter l’OEB à appliquer de manière plus stricte les critères de brevetabilité de technologies de la santé. En 2018, les dépenses de médicaments en Suisse représentaient déjà 1 franc sur 4 payés par nos primes d’assurance – presque 1 franc sur 5 uniquement pour les traitements brevetés.

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Qu’est-ce que le Kymriah ?

Le Kymriah n’est pas un médicament, mais une prestation médicale dont le développement repose essentiellement sur des recherches et des financements publics. Cette nouvelle thérapie de Novartis contre certains cancers du sang réfractaires ou en rechute consiste à reprogrammer génétiquement des lymphocytes T (globules blancs) prélevés sur la personne malade afin qu’ils reconnaissent et attaquent les cellules cancéreuses, puis à les lui réinjecter. Elle est approuvée par Swissmedic depuis octobre 2018. Selon des experts, seule une centaine de personnes en Suisse seraient susceptibles d’en profiter. A l’avenir, ce type de procédé devrait toutefois jouer un rôle important pour traiter d’autres types de cancers, et le nombre de patient·e·s concerné·e·s va rapidement augmenter.