Pour que la corruption ne paie pas : une pétition exige que la Suisse rende les profits illicites aux populations lésées

Ces dernières années, la justice suisse a condamné plusieurs entreprises helvétiques, dont Glencore, pour des faits de corruption d’agents publics étrangers. Au total, elles ont dû verser plus de 900 millions de francs à titre de compensation pour les profits illicites réalisés. Or, ces fonds ont fini dans les caisses de la Confédération, plutôt que de contribuer à financer les systèmes de santé, l’éducation ou d’autres services essentiels dans les pays à plus faibles revenus concernés. Pour remédier à cette injustice, Public Eye lance aujourd’hui une pétition en ligne, avec le soutien d’organisations de la société civile congolaises. L’emblème de cette campagne : de nouveaux billets de banque au design particulier.

En bref 

  • Public Eye demande à la Suisse de restituer aux populations lésées les gains illicites engrangés par des sociétés helvétiques condamnées pour des faits de corruption à l’étranger. 

  • Une modification minime de la loi et des pratiques suffirait à garantir une compensation juste, comme l’exigent aussi des organisations congolaises. 

  • Dans le cadre de sa campagne, Public Eye a conçu un faux billet de 900 millions de francs pour illustrer l’argent de la corruption qui est venu garnir les coffres de la Confédération. 

Alors que la Suisse vient de dévoiler les six finalistes du concours de graphisme qui déterminera ses futurs billets de banque, des visuels inédits s’invitent dans le débat. Ornées d’excavatrices minières géantes ou de plateformes pétrolières, ces coupures affichent la valeur de 900 millions de francs et un message politique fort : « Pas de profit issu de la corruption ». La pétition lancée aujourd’hui par Public Eye demande que les créances compensatrices prononcées par la justice helvétique lorsqu’une société est condamnée pour corruption d’agents publics étrangers soient restituées aux populations lésées. Car à l’heure actuelle, ces fonds finissent dans les caisses de la Confédération.

La corruption est très répandue dans le secteur des matières premières, où les sociétés suisses jouent un rôle de premier plan. En 2024 et 2025, Glencore et Trafigura ont été condamnées à verser, au total, plus de 260 millions de francs de créances compensatrices. Depuis 2011, date de la première application de la responsabilité pénale des entreprises en Suisse pour corruption, 911 920 000 francs sont ainsi venus garnir les caisses de l’État. Le Conseil fédéral avait pourtant jugé « immoral » que de tels fonds restent en Suisse, plutôt que d’être investis dans les systèmes de santé ou éducatifs souvent défaillants des pays concernés. Certes, les tribunaux suisses sanctionnent désormais plus fermement les actes de corruption, mais ils ne réparent pas l’injustice subie par les populations lésées dans les pays à plus faibles revenus. Or, il suffirait d’une volonté politique et d’un ajustement législatif mineur pour que l’argent puisse retourner là où le tort a été causé. 

C’est ce que Public Eye et 30 autres organisations demandent depuis 2022. L’an dernier, des militant·e·s de la République démocratique du Congo ont même interpellé directement le Conseil fédéral. Dans une analyse récente consacrée à la gestion par la Suisse des profits illicites issus de la corruption transnationale, le Basel Institute on Governance détaille les mesures législatives et administratives nécessaires. D’une part, les exigences, strictes, fixées par la Suisse en matière de coopération judiciaire – condition préalable à la restitution des créances compensatrices – devraient être assouplies afin de tenir compte des réalités et des capacités des pays concernés. D’autre part, le Conseil fédéral devrait avoir la compétence de décider lui-même de la restitution de ces fonds. Public Eye mise sur la mobilisation citoyenne pour amorcer ces réformes essentielles. 

Plus d’informations ici ou auprès de : 

Géraldine Viret, responsable médias, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch
Robert Bachmann, expert matières premières, +41 44 277 79 22, robert.bachmann@publiceye.ch