Public Eye demande au Conseil fédéral d’utiliser la licence obligatoire pour lutter contre les prix exorbitants des médicaments

Le problème d’accès aux médicaments vitaux ne concerne plus seulement les pays en développement et émergents. Même le système de santé suisse peine à faire face à l’explosion des prix des nouveaux traitements, en particulier les anticancéreux. Le Conseil fédéral a pourtant les moyens d’agir : en émettant une licence obligatoire, il peut permettre la commercialisation de génériques moins chers, malgré l’existence d’un brevet. En collaboration avec la Ligue suisse contre le cancer, Public Eye demande aux conseillers fédéraux Berset et Schneider-Ammann de prendre des mesures de politique intérieure et extérieure pour garantir des médicaments abordables, et de recourir à la licence obligatoire lorsque nécessaire.

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En Suisse ou ailleurs, se soigner ne doit pas être une question d’argent. C’est pourquoi Public Eye a lancé aujourd’hui une grande campagne « Pour des médicaments abordables » et rassemblé des experts suisses et internationaux à Genève pour débattre de cette problématique. Les brevets sont l’une des principales causes de l’explosion des prix des médicaments. Fortes d’un monopole et d’une exclusivité commerciale, les pharmas peuvent en effet fixer les prix presque comme bon leur semble. Les mécanismes étatiques de contrôle sont insuffisants. Il existe pourtant un moyen efficace de lutter contre cette spirale, comme le montre Public Eye dans son rapport « Protect patients, not patents ». En recourant à la licence obligatoire, le Conseil fédéral peut rétablir l’équilibre entre les intérêts d’une industrie très rentable et les besoins de santé publique.

La licence obligatoire est un instrument prévu par le droit international des brevets (accords ADPIC). Elle permet aux États membres de l’OMC d’autoriser un tiers (par exemple un fabricant de génériques) à produire et commercialiser un produit similaire malgré l’existence d’un brevet. Pourtant, lorsqu’un pays en développement ou émergent décide d’utiliser ce mécanisme légal pour garantir à sa population l’accès à un traitement vital, il subit des pressions très fortes de l’industrie pharmaceutique et des États hôtes de ces firmes. En Colombie et en Thaïlande, les autorités suisses ont ainsi soutenu le lobbying agressif des géants bâlois pour empêcher l’émission d’une licence obligatoire.

Cette protection excessive des brevets, telle que prônée par la Suisse à l’échelle internationale, a aussi des conséquences délétères pour les patients dans notre pays, comme l’a récemment montré le cas de l’hépatite C. Les autorités ont en effet décidé de rationner l’accès à un traitement novateur mais extrêmement cher, ne garantissant tout d’abord la prise en charge qu’aux seuls patients gravement atteints. Les anticancéreux sont particulièrement touchés par l’inflation des prix, et il est devenu fréquent qu’un tel traitement coûte plus de 100 000 francs par an et par patient. En 2016, plus d’un franc sur cinq dépensés dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire (LAMal) concernait les médicaments – une proportion qui augmente chaque année. Si rien n’est fait, les cas de rationnement vont se multiplier et de nombreux malades seront privés du traitement le mieux adapté à leurs besoins.

Dans un appel collectif, Public Eye demande au Conseil fédéral de reconnaître sans équivoque la légalité, la légitimité et l’efficacité de la licence obligatoire, et de l’utiliser lorsque l’accès aux soins pour tous est mis en péril. Le recours à la licence obligatoire au pays des pharmas permettrait non seulement de garantir la pérennité du système suisse de santé, mais enverrait aussi un signal clair au niveau international, motivant d’autres États à faire de même. Ceci ouvrirait la voie de l’accès aux médicaments vitaux pour des millions de personnes.

Plus d’informations ici ou auprès de :
Patrick Durisch, responsable santé, 021 620 03 06, patrick.durisch@publiceye.ch
Géraldine Viret, responsable médias, 021 620 03 05, geraldine.viret@publiceye.ch