Trafigura: premier procès d’un groupe suisse de matières premières pour corruption d’agents publics étrangers

Le 5 décembre 2023, le Ministère public de la Confédération a déposé auprès du Tribunal pénal fédéral un acte d’accusation contre trois personnes et la société de négoce de matières premières Trafigura Beheer BV. L’affaire, qui sera jugée l’année prochaine, porte entre autres sur des paiements corruptifs en faveur d’un ancien agent public en Angola. Public Eye avait enquêté sur cette affaire en février 2013.

Un ancien agent public angolais est accusé d’avoir accepté, entre avril 2009 et octobre 2011, des paiements corruptifs de plus de 4,3 millions d’euros et 604 000 dollars US de la part du groupe Trafigura, en lien avec ses activités dans le secteur pétrolier en Angola. Un ancien intermédiaire et un ancien cadre dirigeant de Trafigura sont, selon le Ministère public de la Confédération, impliqués dans la mise en œuvre de ce schéma de corruption.

Cette affaire est une première à trois égards : c’est la première fois que le Tribunal pénal fédéral doit se prononcer sur la responsabilité pénale d’une entreprise pour corruption d’agents publics étrangers. C’est également la première fois qu’une entreprise de négoce de matières premières comparaît devant la plus haute cour de Suisse. Et c’est la première fois que la haute direction d’une société doit répondre de ses actes devant la justice pour son implication dans une telle affaire.

Le Ministère public de la Confédération porte l’accusation de complicité non seulement sur la multinationale, mais aussi sur son ancien Chief Operating Officer et membre du conseil d’administration, Mike Wainwright. Ce dernier « conteste les accusations portées à son encontre et se défendra également devant le Tribunal », confirme Trafigura dans son communiqué de presse.

À quand une surveillance du marché des matières premières ? 

Public Eye avait mis en lumière il y a plus de dix ans, comment Trafigura contribuait par ses alliances opaques à l’enrichissement d’une caste de dirigeants autocratiques au détriment de la population angolaise. Déjà à l’époque, Public Eye demandait une réglementation du secteur des matières premières, avec notamment la création d’nstance spécifique sous la forme d’une autorité de surveillance des marché de matières premières (ROHMA). Cette revendication est plus que jamais d’actualité. Ainsi, lors de la session parlementaire d’automne, une motion demandant une loi spécifique pour le commerce des matières premières a été adoptée. Cet objet est maintenant en discussion au Conseil des États. discussion au Conseil des États. 

Comme l’a rapporté le magazine économique Bilan le 13 octobre 2023, Trafigura a récemment fait son retour au sein de Suissenégoce, l’association faîtière des négociants en matières premières, qui avait alors déclaré au Temps qu’elle procédait à un audit sévère avant d’accepter ou non un candidat comme membre. « Depuis trois ans que je suis là, pas de scandale lié à un membre de Suissenégoce », s’était d’ailleurs félicitée Florence Schurch, secrétaire générale de l’association. 

Dans son communiqué de presse, Trafigura reconnaît également que deux autres enquêtes sont en cours au Brésil et aux États-Unis pour des faits présumés de corruption au Brésil. La multinationale espère une résolution rapide et « fera figurer dans son rapport annuel 2023 une provision d’un montant de 127 millions de dollars ».
 

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