Transparence dans le négoce des matières premières: le Conseil fédéral rate le coche

Le Conseil fédéral refuse d’inclure le négoce dans la loi sur la transparence des paiements effectués par des compagnies actives dans le secteur des matières premières. Il exempte ainsi l’essentiel des activités de la place suisse des matières premières, dominée par les négociants. Les autorités helvétiques passent également à côté de la récente décision du géant Trafigura de divulguer dès 2015 ses paiements aux gouvernements dans de nombreux pays.

Le Conseil fédéral a procédé aujourd’hui à la mise en consultation du volumineux projet de loi sur la révision du droit de la société anonyme. Comme il l’avait promis dans un rapport publié en juin, ce projet contient des dispositions relatives à la transparence des paiements effectués aux Etats et aux entreprises publiques par les sociétés actives dans le secteur des matières premières. Reste que selon le Conseil fédéral, seuls les paiements relatifs aux opérations extractives seront soumises à cette obligation. Les opérations de négoce seront exemptées, alors qu’elles constituent l’essentiel de l’activité des traders suisses.

Le projet de loi sur la transparence des paiements proposé par le Conseil fédéral est étroitement calqué sur les dispositions adoptées au sein de l’Union européenne. La Grande-Bretagne est le premier pays européen à les concrétiser par une loi, qui entrera en vigueur le 1er décembre. Dans le cas helvétique, l’exclusion du négoce des matières premières réduit cependant l’application de prescriptions analogues à celles de l’Union européenne à un simple exercice alibi, car les activités extractives de toutes les grandes sociétés de négoce basées en Suisse sont déjà soumises aux règles de transparence européennes. Le Conseil fédéral souhaite cependant obtenir du Parlement la compétence d’étendre l’obligation de transparence au négoce par voie d’ordonnance, si d’autres pays devaient franchir ce pas.

Les processus pour étendre la transparence des paiements aux opérations de négoce se multiplient. L’Initiative pour la transparence ITIE exige de la part de ses 48 membres et de leurs sociétés étatiques qu’elles déclarent les revenus générés par les matières premières, qu’ils proviennent de leur extraction ou de leur commercialisation. La semaine dernière, le géant du négoce Trafigura, basé en Suisse, a par ailleurs annoncé son intention de publier dès 2015 les paiements effectués à des sociétés d’Etat, dans les pays membres de l’ ITIE. Ainsi l’une des principales sociétés de négoce a devancé le Conseil fédéral en matière de transparence des paiements. Cet exemple montre aussi que la transparence des paiements dans le secteur du négoce ne pose pas de problème en termes de concurrence – un fait que le Conseil fédéral, avec sa politique timorée, semble continuer à ignorer.

Plus d’informations ici et auprès de :

  • Marc Guéniat, responsable enquête de la Déclaration de Berne, 021 620 03 02
  • Lorenz Kummer, expert matières premières de SWISSAID 079 307 2592


La transparence des paiements dans le secteur des matières premières
Il s’agit d’un instrument central dans la lutte contre la «malédiction des matières premières» et la corruption dans les pays en développement. C’est en effet la seule possibilité pour les populations de ces pays de pouvoir demander des comptes à leurs autorités sur l’utilisation des richesses générées par les ressources naturelles. SWISSAID et la Déclaration de Berne ont récemment publié une étude qui illustre l’ampleur de ces paiements dans le négoce des matières premières. Entre 2011 et 2013, les négociants suisses ont payé quelque 55 milliards de dollars à des gouvernements africains pour des livraisons de pétrole. Cela correspond à 12% des revenus de ces Etats, et représente plus du double de l’ensemble de l’aide au développement octroyée à ces pays.