Une nouvelle régulation américaine oblige la Suisse à se positionner sur le commerce opaque des négociants en matières premières

Lausanne, 23.08.2012 - L'organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers (SEC) a publié hier ses normes relatives à la nouvelle loi sur la transparence applicable aux entreprises américaines actives dans le négoce des matières premières. L'Union européenne fera de même cet automne, isolant politiquement la Suisse, plaque tournante du négoce mondial des matières premières. Le Conseil fédéral doit publier au plus vite le rapport attendu sur ce secteur en pleine croissance et évaluer les besoins de régulation en Suisse.

C’est un pas vers davantage de transparence dans le secteur du négoce, La Securities and Exchange Commission (SEC) a enfin adopté hier ses prescriptions de mise en œuvre de deux articles centraux du Wall Street Reform and Consumer Protection Act (dit « Dodd-Frank Act »). Désormais, les entreprises américaines cotées en bourse et leurs fournisseurs devront prouver que leurs produits ne proviennent pas de zones de conflit en République démocratique du Congo ou dans un de ses pays limitrophes. Plus important encore, les sociétés actives dans l'extraction minière, du pétrole et du gaz, cotées aux bourses américaines, devront dorénavant publier en détail les montants payés aux gouvernements pour l’accès aux matières premières (impôts, droit de concession, etc.), pays par pays et projet par projet.

Les règles établies par la SEC donnent un signal fort pour une plus grande transparence dans le négoce des matières premières, où les arrangements secrets entre des multinationales peu scrupuleuses et des gouvernements corrompus sont monnaie courante. Les populations pauvres de pays riches en ressources naturelles, comme l'Angola ou la Guinée équatoriale, pourront enfin connaître les montants liés aux matières premières qui entrent - ou pas - dans les coffres de l'Etat. Cette transparence est la condition de base pour lutter efficacement contre la corruption. Ces prescriptions américaines devraient influencer les principes de régulation attendus cet automne au niveau de l’UE. Après l'adoption de la Transparency Directive et de l'Accounting Directive, 90 % des entreprises actives dans l'extraction des matières premières seront tenues de publier leurs transactions financières, selon Arlene McCarthy, rapporteuse auprès du Parlement européen.

Terre d'accueil de puissantes multinationales, couvrant près de 25% du négoce mondiale des matières premières, la Suisse a aujourd'hui l’opportunité et le devoir de contribuer à l'élaboration de règles internationales pour davantage de transparence. Ces derniers mois, le Conseil fédéral a reconnu à plusieurs reprises que les agissements de ce secteur économique peu scrupuleux représentaient un risque de réputation pour la Suisse. « Le Conseil fédéral a donc chargé un groupe de travail interdépartemental de procéder à une analyse des possibilités et des risques, puis de lui soumettre les actions envisageables », annonçait Didier Burkhalter en juin dernier.

Les résultats de cette analyse tant attendue doivent être publiés au plus vite. Le Conseil fédéral devra ensuite proposer des mesures concrètes afin de garantir la transparence des flux financiers et le devoir de diligence des acteurs du marché, à l'exemple de celles prises par les Etats-Unis et bientôt par l’UE. Ces mesures doivent également s’appliquer aux entreprises non-cotées en bourse, actives dans l'extraction comme dans le négoce de matières premières.

Rapport de fond sur la transparence des paiements