Flux financiers Suisse-Afrique

Les pays en développement sont-ils vraiment aidés ou paient-ils plus qu'ils ne reçoivent? Sur le plan global, la Cnuced montre que le bilan est négatif, le Sud finance le Nord. Nous avons voulu en avoir le cœur net pour les relations Suisse–Afrique. Or, la réponse est impossible à donner en raison de données statistiques manquantes. Eclairage sur les informations disponibles.

Les données présentées sur ces deux pages donnent un aperçu des flux financiers et commerciaux entre la Suisse et l'Afrique subsaharienne (nous avons exclu les pays du Maghreb et la Libye). En résumé, l'Afrique représente une part importante de l'aide au développement mais une part très faible des relations économiques du secteur privé.

IMPORTANCE DE L'AIDE AU DEVELOPPEMENT
Les montants versés par la Suisse au titre de l'Aide publique au développement (APD) et l'aide des ONG, s'élèvent respectivement à environ 311 millions et 108 millions de francs en 2004. Cette aide se dirige surtout vers les pays les plus pauvres du continent. Mais, la même année, les pays africains (du sud du Sahara) ont versé 2,1 millions de francs au titre du remboursement de la garantie contre les risques à l’exportation (GRE) et le désinvestissement net s'élevait à 363 millions de francs. Le solde positif pour l'Afrique se réduit ainsi à 53,7 millions de francs. Voilà ce que peuvent nous indiquer les statistiques publiées.

DES ECHANGES ECONOMIQUES DERISOIRES
Ce bilan ne tient compte ni de l’APD multilatérale (une partie des contributions suis-ses aux organisations internationales sert à aider les pays africains) ni de la fuite des capitaux et de l’évasion fiscale. Il ne peut donc être que partiel. Il est toutefois pos-sible de craindre que ce soit l'Afrique qui finance la Suisse, plutôt que l'inverse. Et un fait est certain: les relations économiques avec l'Afrique noire sont dérisoires (sauf avec l'Afrique du Sud et le Nigeria), ce qui contraste considérablement avec le dis-cours dominant, selon lequel l'avenir passe par les investissements plutôt que par l'APD. L'économie privée suisse ne s'intéresse pas beaucoup aux marchés d'Afrique subsaharienne!

CE QU'ON NE PEUT PAS SAVOIR
Avec les données disponibles, on peut constater que le flux financier est positif pour l'Afrique. Mais il faut être conscient que nous ne disposons pas de chiffres fiables sur certains flux.

  • Il existe des statistiques sur les échanges de marchandises par pays, mais pas sur les exportations de services.
  • Il existe des données sur les investissements directs nets à l'étranger par continent, mais pas sur les investissements de portefeuilles (achats d'actions par exemple). Cette lacune est d’autant plus importante que les investissements de portefeuilles de la Suisse sont, dans l'ensemble, deux fois plus importants que les investissements directs à l'étranger!
  • On parle souvent du problème de l'émigration clandestine, mais les versements des migrants pour leur famille représentent un montant considérable, dépassant large-ment celui de l'aide au développement. Il n'y a pas de données précises sur les flux d'argent que les migrants africains résidant en Suisse versent à leurs familles. Selon la balance des paiements de la Suisse, les transferts d'immigrés à l'étranger se sont élevés à 3,7 milliards de francs en 2004. Selon la Banque mondiale, ce transfert serait même bien plus important, de quelque 8 milliards de francs pour les person-nes résidant en Suisse. Mais il n’existe aucune statistique par pays ou continent de prov-enance des immigrés.


Gérard Perroulaz, chargé de recherche à l'Institut universitaire d'études du développement (iuéd), Genève.

SOURCES :

  • DDC, Aide de la Suisse aux pays en développement et aux pays en transition, statistiques 2001 à 2004, parution annuelle. Contient des informations sur l'aide bilatérale par pays, l'aide des ONG (fonds privés des ONG).
  • Banque nationale suisse, www.snb.ch, sous publications, brochures: La balance des paiements 2004, Position extérieure nette de la Suisse 2004, L'évolution des investissements directs en 2004, les banques en Suisse 2004.
  • Direction générale des douanes, Commerce extérieur de la Suisse, statistique selon les marchandises et les pays, janvier-décembre 2004, Berne, Direction générale des douanes, 2005.
  • GRE, Rapport annuel 2004 2005, p. 31.
  • www.seco-admin.ch et www.ddc.admin.ch. Informations par pays. Fiches d'information pour certains pays partenaires de la coopération suisse.
  • Annuaire suisse de politique de développement, vol. 25, No1, Lois et statistiques, IUED, Genève, 2006.
  • www.iued.ch/information/publications/pub_annuaire_ch_tm.html