Le cas haïtien met en lumière une lacune juridique

Quand il s’agit de fonds déposés en Suisse par un ancien dictateur, l’incapacité d’un Etat de fournir une preuve de l’origine frauduleuse de l’argent ne signifie généralement pas un manque d’intérêt de sa part. Le manque de coopération s’explique plutôt par le fait que le système judiciaire de l’Etat concerné est déficient, en raison même des actes de celui qui profite ensuite de cette déficience pour échapper à la justice.

Or, la législation actuelle, si elle permet au gouvernement de bloquer les fonds d’un ancien dictateur, ne lui accorde qu’une marge de manœuvre limitée pour protéger les intérêts de la Suisse. Il ne peut maintenir ce blocage que pour une durée limitée.

Pourtant, la Suisse n’a aucun intérêt à apparaître comme étant le pays qui privilégie la garantie de la propriété privée aux violations des droits humains et contribue à l’impunité des anciens dictateurs.

C’est pourquoi de nombreuses organisations non-gouvernementales suisses et étrangères* ont transmis les revendications suivantes dans une lettre envoyée le 8 juin 2007 par l’Action Place Financière Suisse à la présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, et au chef du Département fédéral de Justice et Police, le Conseiller fédéral Christoph Blocher:

1. Quand de l’argent est bloqué par le Conseil fédéral pour sauvegarder les intérêts du pays, (Constitution fédérale, article 184 al.3), la durée de la saisie doit être déterminée, voire prolongée, jusqu’à ce que l’Etat concerné soit en mesure de mener une procédure d’entraide judiciaire.
2. L’assistance technique en cas de procédure d’entraide judiciaire doit être généralisée. Un recours à une instance indépendante analogue au monitoring de la Banque Mondiale dans l’affaire Abacha (Nigeria), en cas de manque de capacité de la Suisse, doit être envisagé.
3. Si le propriétaire des fonds bloqués refuse un accord, fondé sur une décision de justice ou non, une pression devrait pouvoir être exercée en menaçant de prolonger le blocage des fonds.
4. Les lacunes juridiques actuelles doivent être comblées le plus rapidement possible.

Dans sa réponse datée du 2 juillet 2007, la présidente de la Confédération, la Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey confirme que le Département fédéral des affaires étrangères s’efforce de trouver une issue à cette affaire. Elle relève également la volonté de son département, conformément à la réponse donnée au Conseiller national Luc Recordon le 11 juin 2007, de trouver une solution générale permettant de donner plus de pouvoir – notamment de confiscation – au Conseil fédéral dans des cas exceptionnels et similaires.

Jean-Claude Huot

*Action Place Financière Suisse, Alliance Sud, Pain pour le prochain, CADTM-Suisse, Caritas Suisse, Déclaration de Berne, Action de Carême, EPER, Kindernothilfe Schweiz, Plate-Forme Haïti de Suisse, Transparency International Swiss Chapter, infoe Schweiz
Avec: Broederlijk Delen, Droit pour la Justice, Dutch Haïti Platform, Entraide et Fraternité, EURODAD, GREF France, Haïti Advocacy Platform Ireland-UK, Jubileo Sur, Jubilee USA, Plate-forme Dette & Développement, Plate Forme française Paradis Fiscaux et Judiciaires, Tiako-i-Madagasikara