Corruption et blanchiment: des poursuites pénales insuffisantes

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La lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent nécessite d’allier à la prévention des mesures de répression. Or malgré le grand nombre de scandales et de cas de blanchiment d’argent et de corruption impliquant des banques et sociétés suisses, les condamnations pénales sont très rares. Les enquêtes pénales dans le domaine de la criminalité économique sont extrêmement complexes et durent souvent plusieurs années. Quand elles donnent lieu à une condamnation, la sanction est généralement très légère et guère dissuasive.

En Suisse, la corruption (active et passive) et le blanchiment d’argent sont des infractions pénales. Les condamnations pour blanchiment d’argent sont relativement fréquentes (plus de 5000 ont été prononcées depuis 1990), et ce principalement parce qu’elles jouent un rôle important dans la lutte contre la narco-criminalité: des toxicomanes et petits dealers sont aussi accusés de blanchiment d’argent. Seule une petite partie des condamnations concerne toutefois la criminalité économique. Les condamnations pour corruption active ou passive sont quant à elles très rares, notamment quand les faits de corruption concernent des pots-de-vin versés à des agents publics étrangers.

Peu de condamnations pour corruption d’agents publics étrangers…

En Suisse, la corruption d’agents publics étrangers est une infraction pénale depuis le 1er mai 2000. Pendant les dix ans qui ont suivi, les condamnations de personnes physiques pour ce crime ont toutefois été très rares. Selon les statistiques des condamnations pénales, la première a été prononcée en 2001, puis les suivantes en 2009 et 2010 seulement. Ce n'est qu’à partir de 2014 qu’au moins une condamnation par an a été prononcée. En 2016 et 2017 respectivement, 4 et 3 personnes ont été condamnées. Dans l’ensemble, les autorités pénales suisses ont prononcé un maigre total de 18 condamnations pour corruption d'agents publics étrangers entre 2000 et 2020.

Il est toutefois possible que des délits déjà perpétrés depuis un certain temps ne soient pas encore présentés dans les statistiques car ils font encore l’objet de recours. En outre, les entreprises condamnées ne sont pas répertoriées dans le casier judiciaire. Ces chiffres très faibles dissimulent le fait que la corruption d'agents publics étrangers est aussi un problème qui devrait être pris au sérieux en Suisse. Les statistiques des condamnations ne représentent toutefois que le nombre de jugements, sans présenter l’ampleur effective des délits. Une particularité de la corruption est que toutes les personnes impliquées ont un intérêt à ce que la confidentialité soit préservée, ce qui contribue à l’opacité des estimations.

... et peu de sociétés condamnées

Depuis l’entrée en vigueur de la responsabilité pénale des entreprises en 2003, des sociétés peuvent être condamnées pour «défaut d’organisation».

La toute première condamnation d’une entreprise en Suisse a été prononcée en 2005: les autorités d’instruction du canton de Fribourg ont condamné une entreprise pour un excès de vitesse avec un véhicule de la société. Comme il n’était pas possible d’établir qui conduisait le véhicule, l’entreprise a écopé d’une amende de 3000 francs au motif qu’elle n’était pas suffisamment organisée pour permettre l’identification de la personne responsable de l’excès de vitesse.

La première condamnation d’une entreprise pour ne pas avoir empêché un cas de corruption ou de blanchiment d’argent a été prononcée par le Ministère public de la Confédération en 2011. Alstom Network Schweiz AG a alors été condamnée par ordonnance pénale pour défaut d’organisation ou pour ne pas avoir empêché la corruption d’agents publics étrangers. Depuis lors, sept autres sociétés ont été condamnées par ordonnance pénale par le Ministère public de la Confédération.