Assemblée mondiale de la santé : l’avenir de l’OMS en question

Lausanne/Genève, le 13.05.2011 - Lors de la 64ème Assemblée mondiale de la santé, qui s’ouvrira lundi prochain à Genève, la Directrice Générale de l’OMS va proposer un vaste projet de réforme qui, s’il est accepté, cantonnerait l’organisation onusienne à un rôle essentiellement technique, avec une influence croissante des pouvoirs économiques sur les priorités de santé dans le monde. L’indépendance de l’OMS est donc en jeu. Parmi les autres points à l’ordre du jour, l’accès aux vaccins pandémiques et la lutte contre les faux médicaments seront également abordés.

Pour mener à bien sa mission, l’OMS a besoin de financements souples et prévisibles. Or les contributions fixes des Etats membres sont en baisse constante (moins de 25% du budget total revu à la baisse pour 2012-2013), au détriment de financements volontaires destinés à un usage spécifique, plus rigides. Accusée de disperser ses forces, les pays du Nord, dont la Suisse, veulent ainsi inciter l’OMS à se « recentrer sur ses activités essentielles » en faisant pression sur son budget. Il est à craindre que ce recentrage ne se fasse au détriment de certaines fonctions-clés de l’OMS inscrites dans sa constitution, comme son rôle d’autorité internationale en matière de santé. Les contributions futures de l’OMS vont donc déterminer les priorités stratégiques, et non l’inverse, réduisant d’autant la marge de manœuvre politique de l’agence onusienne.

La baisse des financements publics incite en outre l’OMS à se tourner vers le secteur privé. Déjà accusée à maintes reprises d’être sous son influence, la mainmise de l’industrie pharmaceutique sur des orientations stratégiques établies en fonction d’intérêts économiques plutôt que de santé publique n’en sera que plus forte. Selon Patrick Durisch, responsable du programme santé de la Déclaration de Berne, « seule une augmentation des fonds souples en provenance d’Etats membres ou par le biais de financements innovants permettront à l’OMS de remplir son importante mission, en particulier vis-à-vis des enjeux de santé publique dans les pays les plus pauvres ».

Enfin un accord pour un accès plus équitable aux vaccins pandémiques

Après d’âpres négociations, les Etats membres sont enfin parvenus à se mettre d’accord en avril dernier sur un « cadre de préparation en cas de grippe pandémique pour l’échange des virus grippaux et accès aux vaccins et autres avantages », sur lequel l’assemblée mondiale devra se prononcer. Pour rappel, des pays du Sud avaient refusé en 2007 d’échanger du matériel viral au sein du réseau OMS tant qu’un partage équitable des avantages n’était pas garanti au sens de la Convention sur la diversité biologique, parmi lesquels un accès équitable aux vaccins pandémiques. Les pays du Sud ont dû faire face à l’obstruction systématique des pays du Nord, dont la Suisse, réticents à l’idée d’un accord limitant la marge de manœuvre de leur industrie pharmaceutique. Fruit d’un compromis, cet accord est une première étape importante mais les dispositions concernant le partage des avantages et la propriété intellectuelle sont peu contraignantes. En outre, le lien avec le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation – dont font partie les virus et que la Suisse vient de signer le 11 mai dernier – devra encore être formalisé.

Lutte contre les médicaments falsifiés

Cette question avait suscité de vifs débats et un fort clivage Nord-Sud lors de la dernière assemblée mondiale. En cause, une définition biaisée de la « contrefaçon », criminalisant sans distinction des violations de la propriété intellectuelle, relevant du droit privé, et des médicaments de qualité inférieure ou falsifiés, représentant un réel problème de santé publique. En outre, les liens controversés entre l’OMS et d’autres initiatives de lutte anti-contrefaçon doivent être clarifiés.

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