Covid-19: la Suisse doit cesser son blocage sur les brevets à l’OMC

La conférence ministérielle de l’OMC, qui se tiendra à Genève du 30 novembre au 3 décembre, va discuter de la dérogation temporaire à la protection de la propriété intellectuelle sur les vaccins, tests et médicaments anti-covid. La Suisse doit cesser son blocage systématique à l’OMC, qui dure depuis plus d’un an. De leur côté, les firmes pharmaceutiques doivent partager sans restriction leurs savoir-faire.

La semaine prochaine, la lutte mondiale contre le Covid-19 se jouera à Genève. Alors qu’une quatrième vague déferle sur l’Europe, une récente étude de la People’s Vaccine Alliance montre que Pfizer, Moderna et BioNtech empochent ensemble 65 000 USD par minute avec leurs vaccins à ARN messager, pourtant développés grâce à de généreux fonds publics. Ceci est d’autant plus scandaleux qu’on administre une troisième dose de vaccin à tout-va dans les pays riches, alors que seulement 2% de la population a reçu les deux premières dans les pays à faible revenu.

C’est dans ce contexte que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) tiendra sa 12ème conférence ministérielle dans la cité de Calvin. Au cœur des discussions: la suspension temporaire des brevets, de la protection des données et du secret d’affaires sur les vaccins, tests et médicaments anti-covid (dérogation ADPIC), proposée par l’Inde et l’Afrique du Sud en octobre 2020 et soutenue par une centaine de pays. La Suisse reste l’un des derniers pays à s’y opposer farouchement. Même les États-Unis se sont au moins prononcés en faveur d’une levée des brevets sur les vaccins.

La position américaine reste toutefois insuffisante car, si l’attention se focalise aujourd’hui sur les vaccins, un scénario similaire d’accès inéquitable se dessine pour les traitements contre le Covid-19. Chers, brevetés et produits en quantités insuffisantes, ceux-ci sont confisqués par les pays les plus aisés. Les exemples actuels de l’anti-inflammatoire Actemra, très cher et produit exclusivement par Roche, et de l’antiviral Molnupiravir de Merck, dont l’accès devrait rester limité dans les pays émergents en raison de licences commerciales restrictives, montre une nouvelle fois la nécessité de la dérogation ADPIC. L’accès aux tests diagnostiques reste lui aussi très inéquitable, retardant d’autant plus le contrôle de la pandémie au niveau mondial. 

Il est inacceptable que la Suisse, siège de géants pharmaceutiques et de leur principale faitière, l’International Federation of Pharmaceutical Manufacturers and Associations (IFPMA), bloque l’adoption de la dérogation ADPIC, défendant ainsi les intérêts de son industrie au détriment de l’intérêt public. Cette opposition est d’autant plus irresponsable qu’elle risque de faire capoter la conférence ministérielle et, surtout, de priver des milliards de personnes des moyens de lutte contre le Covid-19. Avec pour conséquence de prolonger encore la pandémie, notamment en raison du risque accru de voir se propager de nouveaux variants encore plus contagieux. C’est pourquoi Alliance Sud et Public Eye appellent la Suisse à accepter la dérogation ADPIC. Les entreprises pharmaceutiques doivent quant à elles partager les technologies et savoir-faire nécessaires à la fabrication démultipliée des vaccins, tests et médicaments contre le Covid-19.

Informations:

Patrick Durisch, expert Politique Santé, Public Eye, patrick.durisch@publiceye.ch, +41 21 620 03 06

Isolda Agazzi, experte Commerce et investissements, Alliance Sud, isolda.agazzi@alliancesud.ch, +41 79 434 45 60