Crédits carbone : un contrat confidentiel révèle les perspectives de profit de Mercuria sur un projet forestier controversé au Brésil
Lausanne, Zurich, 12 novembre 2025
Grâce au standard international « J-REDD+ », la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques veut préserver autant que possible la forêt tropicale, mais aussi atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Avec ce nouveau programme de protection forestière, les projets de compensation carbone, controversés, ont pris de l’ampleur et sont devenus encore plus lucratifs qu'ils ne l'étaient déjà lors du scandale impliquant l’entreprise suisse South Pole il y a trois ans. Le groupe genevois Mercuria, qui aime se donner une image « verte », est en première ligne du commerce des certificats CO₂ émis par les États. Son activité principale reste toutefois le négoce de charbon, de pétrole et de gaz, des énergies fossiles particulièrement néfastes pour le climat. Mi-2023, la société, active dans le commerce des émissions depuis des années, a lancé le premier projet J-REDD+ dans l'État brésilien du Tocantins. Elle en fait actuellement la promotion à la COP30 de Belém afin de conclure des partenariats avec d'autres États amazoniens.
De son côté, le procureur fédéral du Tocantins examine une possible suspension de ce projet phare, comme le demandent onze associations représentant la population locale et plusieurs communautés traditionnelles. Les principales raisons invoquées : le manque de transparence quant aux conditions et aux conséquences de la protection forestière prévue, ainsi que les manœuvres des autorités destinées à obtenir leur accord. Ces deux éléments violeraient leur droit, reconnu au niveau international, à un consentement libre, préalable et éclairé concernant l’utilisation de leurs ressources naturelles.
Un « Fonds Climat » devrait être chargé de redistribuer une partie des revenus à la population. Or, alors que la première tranche des certificats du Tocantins devrait être vendue d'ici la fin de l'année, celui-ci n’a toujours pas de structures de gouvernance. La valeur totale des crédits est estimée par le gouvernement à environ 370 millions de francs d’ici 2030.
La marge que Mercuria s’est assurée dans le contrat est également problématique. Selon ce document, que Public Eye a pu consulter, la société genevoise pourra bénéficier d’un rabais allant jusqu’à 20% sur tous les crédits carbone. Or, le fait que les deux entreprises qui calculent leur quantité ou structurent leur vente appartiennent respectivement à 50 % et 95 % à Mercuria implique d’autres avantages concurrentiels et risques de conflits d’intérêts. La maison de négoce et le gouvernement régional ont mis les communautés locales devant le fait accompli avec ce projet d'envergure. Alors que les questions liées aux droits fonciers, à la répartition des bénéfices, et aux avantages réels pour le climat restent ouvertes, Mercuria s’est déjà assurée de capter la majeure partie des profits.
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