L'échange automatique d’informations sans devoirs de diligence? La DB met en garde contre la stratégie du zèbre

Après des années de résistance contre les Etats-Unis, l’Union européenne, l’OCDE et le G20, le Conseil fédéral a aujourd’hui accepté l’inéluctable et enfin cessé de s’opposer à l’échange automatique d’informations en matière fiscale. Certes, le Conseil fédéral annonce qu’il ne serait disposé à introduire un tel standard que «s’il est introduit par les Etats du G20, les membres de l’OCDE et toutes les places financières importantes au niveau international». Il s’agit néanmoins d’un revirement historique. Pendant des années, en effet, le Conseil fédéral ne voulait pas entendre parler de l’échange automatique d’informations.

C’est ce que la Déclaration de Berne (DB) recommande depuis 2001 pour lutter contre l’évasion fiscale. A l’époque déjà, la DB posait cette question rhétorique : « la Suisse compte-t-elle une fois de plus ne changer ses pratiques problématiques que sous la pression extérieure ? » Et, en effet, le Conseil fédéral, le Parlement et le lobby bancaire ont résisté au changement, avec les suites que l’on connait. En 2004, la DB prophétisait : « la pression extérieure (…) pourrait croître soudainement, en cas de changement de gouvernement aux Etats-Unis. » Ce changement s’est fait attendre quatre ans de plus. Puis, l’arrivée au pouvoir des démocrates et la crise financière ont conjugué leurs effets.

Bien avant la crise de 2007, la DB concluait que « l’échange automatique d‘informations entre administrations fiscales était la seule possibilité de garantir que tous les contribuables soient traités sur un pied d’égalité. » Les autorités suisses refusaient, quant à elles, cette réalité pourtant inéluctable : dans un monde où les flux financiers sont globalisés, les affaires bancaires transnationales ne peuvent subsister à long terme qu’à condition d’être neutres fiscalement. Le lobby bancaire a par contre démontré sa capacité d’adaptation rapide, profitant de ce revirement pour demander le retrait du projet de loi en consultation jusqu’à demain, qui prévoit l’élargissement au domaine fiscal des devoirs de diligence bancaires. Pourtant, ce projet n’a jamais été pensé comme une alternative à l’échange automatique d’informations, mais comme un moyen de le compléter. Selon toute vraisemblance, en effet, la Suisse ne négociera et n’adoptera l’échange automatique d’informations fiscales qu’avec un nombre restreint de pays, en premier lieu l’UE ou les pays membres de l’OCDE. Au moins jusqu’à ce que ce standard soit globalisé, de tels devoirs de diligence seront donc nécessaires pour empêcher que l’argent de l’évasion fiscale des pays en développement et émergents ne trouve refuge en Suisse.

La DB dénonce de longue date la « stratégie du zèbre » pratiquée discrètement par la place financière suisse. Celle-ci consiste à n’abriter que de l’argent blanc des pays membres de l’OCDE, mais à tolérer l’argent noir (non déclaré) du reste du monde. Cette fois encore, les autorités auraient tout intérêt à écouter. Notre rétrospective sur la manière dont l’échange automatique d’informations s’est imposé aidera peut-être à la réflexion.