Les couturières cambodgiennes font grève pour demander des salaires décents

Lausanne, le 14 septembre 2010 -Malgré les intimidations et un fort climat de répression, les syndicats cambodgiens ont amorcé hier une grève d’une semaine pour exiger des salaires décents. Alors qu’au Cambodge, le salaire minimum légal est fixé à 61 dollars, les syndicats demandent 93 dollars, soit une augmentation de près de 50%. Quelque 60 000 couturières dans plus de 40 usines sont entrées en grève.

Après le vaste mouvement de protestation au Bangladesh, les couturières cambodgiennes se mobilisent à leur tour pour protester contre les conditions salariales déplorables auxquelles elles sont soumises. Le gouvernement a en effet annoncé que le salaire minimum légal ne serait augmenté que de 5 dollars (pour atteindre 61 dollars par mois seulement), et ce malgré une forte inflation. Ces 61 dollars sont loin de couvrir les besoins de base des couturières et de leur famille, qui restent prisonnières du cercle vicieux de la pauvreté. Les syndicats estiment que le salaire de subsistance au Cambodge se monte à 93 dollars.

Par cette grève d’une semaine, les 45 000 membres de «Coalition of Cambodian Apparel Workers Democratic Union» (CCAWDU) et les 30 000 membres de «National Independent Federation Textile Union of Cambodia» (NIFTUC) entendent obliger l’union patronale à s’assoir à la table des négociations. Au Cambodge, l’industrie textile représente une part très importante des exportations du pays. Plus d’un quart des ouvriers travaillent dans le secteur de l’habillement, soit quelque 330 000 personnes.

La Campagne Clean Clothes (CCC) a contacté les principaux clients de l’industrie textile au Cambodge, parmi lesquels figurent Adidas, Nike, Puma, Gap ou encore Zara. Elle demande à ces entreprises de garantir le paiement d’un salaire de subsistance à toutes les personnes impliquées sur leur chaîne de production. L’union patronale doit quant à elle entrer en dialogue avec CCAWDU et NIFTUC.

La CCC s’inquiète également de la sécurité des syndicalistes. Ces derniers mois, les rassemblements publics et les manifestations ont été systématiquement réprimés par les autorités et la police n’a pas hésité à employé la force pour empêcher les couturières de prendre part aux manifestations. Le gouvernement et les employeurs ont menacés les dirigeants syndicaux. «Selon les lois cambodgiennes et la législation internationale en matière de droits humains, nous avons le droit de mener des négociations salariales et d’entrer en grève. Nous ne faisons qu’exercer ce droit. Le gouvernement, les producteurs et les marques internationales doivent enfin consentir à verser un salaire de subsistance aux ouvriers », revendique Ath Thorn, Président du conseil des syndicats.

Depuis plus de dix ans, les entreprises textiles et les détaillants considèrent le Cambodge comme un pays producteur sûr, qui représente un risque moins élevé pour leur réputation. Bien que les couturières profitent des programmes de contrôle des usines, elles restent dramatiquement sous-payées.

«La grève menée actuellement au Cambodge, ainsi que les brèves manifestations en Chine, aux Philippines, en Thaïlande, au Pakistan, au Sri Lanka et en Inde, montrent la situation dramatique dans laquelle les employés et employées de l’industrie textile se trouvent», souligne Christa Luginbühl, coordinatrice de la Campagne Clean Clothes en Suisse. Ces dernières années, les salaires de misère ont encore perdu de leur pouvoir d’achat. En Asie, 50 à 70% du revenu est consacré à la nourriture. L’explosion des prix du riz et des céréales, qui ont respectivement doublé et triplé, ont encore précarisé les familles.

La DB et la Campagne Clean Clothes s’engagent aux côtés des ouvriers de l’industrie textile. Sur le site www.10centimes.ch, elles mènent une vaste campagne pour demander aux entreprises de garantir le paiement de salaires de subsistance sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.