Mauvais poisson d’avril: le SECO publie un papier sur la RSE sans aucune analyse

La position sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE)* publiée aujourd’hui montre une fois de plus que le Conseil fédéral mise uniquement sur l’autorégulation et les initiatives volontaires des entreprises pour que celles-ci «assument leur responsabilité sociétale partout où elles sont actives, en Suisse comme à l’étranger». Pourtant, les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés à l’unanimité en 2011, le stipule clairement: il faut un «assortiment judicieux» entre des règles contraignantes imposées par l’Etat et des mesures volontaires prises par les sociétés elles-mêmes. Alors que la mise en œuvre, en Suisse, des Principes directeurs doit faire l’objet d’un plan d’action national, le SECO semble les considérer comme une simple mesure parmi d’autres.

Lors de l’élaboration de sa prise de position, le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) a refusé de faire un premier pas pourtant essentiel: une analyse de l’efficacité des mesures de RSE prises par les sociétés suisses à ce jour. Au lieu de cela, le papier est plein d’affirmations. Deux exemples: «Réduire les risques sociaux et environnementaux tout au long des chaînes de valeur globales permet d’améliorer les conditions d’existence également dans les pays en développement tout en renforçant le développement durable à l’échelle globale» ou «l’adoption de la RSE, également sous l’angle écologique, aide à préserver ces ressources, à protéger la santé, à améliorer la qualité de la vie et à éviter ou à réduire les coûts à la charge de la société». On ne veut pas imaginer quelle serait la situation en Suisse sans une législation environnementale qui fixe des standards minimaux pour toutes les entreprises.

Contrairement au processus suisse, l’Union européenne a effectué une recherche approfondie sur la contribution réelle de la RSE. L’étude d’IMPACT, menée pendant trois ans, est arrivée à la conclusion décevante que la RSE a certes une influence positive, mais que celle-ci ne suffit pas à atteindre les objectifs de durabilité de l’UE. Cette étude confirme ainsi une fois de plus qu’il faut un assortiment de mesures juridiquement contraignantes et d’engagement volontaire des firmes pour maîtriser les grands défis sociaux et écologiques.

Cela vaut tout particulièrement pour les activités des entreprises suisses à l’étranger et de leurs chaînes de production globales. Là encore, le SECO mise aussi, en plus de la promotion de la RSE à l’étranger, sur le renforcement de l’Etat de droit et de la gouvernance dans le cadre de la coopération au développement. La question du rôle de la réglementation juridique dans le pays d’origine des entreprises, pourtant toujours davantage débattue au niveau international, est abordée brièvement pour être aussitôt relativisée: la Confédération ne veut pas faire cavalier seul. En France, par contre, l’Assemblée nationale a adopté hier, en première lecture, une loi sur le devoir de vigilance en matière de droits humains des grandes entreprises françaises dans leurs activités à l’étranger. En Suisse, apparemment, la pression de l’extérieur ne suffit pas. C’est la raison pour laquelle plus de 65 organisations vont commencer fin avril à récolter des signatures pour leur initiative pour des multinationales responsables.

Plus d'information auprès de:

  • Andreas Missbach, membre de la direction de la DB, 044 277 70 07, andreas.missbach@evb.ch
  • Danièle Gosteli, responsable Economie et Droits humains d’Amnesty International, 031 307 22 22, dgosteli@amnesty.ch

* Les ONG suisses suivantes ont pris position par écrit ensemble pendant l’élaboration du papier de position: Action de Carême, Alliance Sud, Amnesty International, Déclaration de Berne, Pain pour le prochain.