Plus de cinquante ans après le scandale du lait en poudre, Nestlé continue de faire passer ses profits avant la santé des bébés africains

Une nouvelle enquête de Public Eye centrée sur l’Afrique montre que le double standard en matière de sucre dans les aliments pour bébés perdure. Alors qu’en Inde, suite à nos premières révélations, le géant de l’agroalimentaire a changé son assortiment, les produits vendus sur le continent africain affichent des niveaux record. Dans une lettre ouverte, 19 organisations de la société civile africaines dans 13 pays appellent Nestlé à mettre un terme à ces pratiques néocolonialistes, qui alimentent le fléau de l’obésité sur le continent.

L’essentiel en bref:

  • Des analyses de laboratoire révèlent que les céréales infantiles Cerelac vendues par Nestlé dans 20 pays africains contiennent jusqu’à 7,5 grammes de sucre ajouté par portion, tandis qu’en Suisse, de tels produits sont sans sucre ajouté.
  • L’OMS avertit depuis longtemps qu’une exposition précoce au sucre favorise une préférence durable pour les aliments sucrés et représente un facteur de risque majeur d’obésité, en forte progression en Afrique.
  • Dans une lettre ouverte, des organisations africaines demandent à Nestlé de cesser ces pratiques inadmissibles, rappelant que tous les bébés sont égaux.

Cette nouvelle enquête s’inscrit dans le sillage de nos révélations de 2024, qui avaient mis en lumière le double standard scandaleux de Nestlé. En collaboration avec des organisations de la société civile africaines, Public Eye a fait analyser par un laboratoire de référence une centaine de céréales infantiles Cerelac vendus dans 20 pays du continent. Résultats: plus de 90% de ces produits destinés aux bébés dès six mois contiennent du sucre ajouté – en moyenne, près de six grammes par portion, soit l’équivalent d’environ un carré et demi. C’est 50% de plus que la moyenne mise en évidence par notre première enquête, qui portait principalement sur l’Asie et l’Amérique latine. Et deux fois la teneur alors détectée en Inde, premier marché mondial pour ces aliments infantiles. La valeur la plus élevée: 7,5 grammes par portion dans un produit vendu au Kenya. En Suisse et dans les principaux marchés de Nestlé en Europe, de tels produits sont pourtant vendus sans sucre ajouté.

En Inde, où nos révélations avaient suscité une vague d’indignation, le géant de l’agroalimentaire a lancé 14 nouveaux produits Cerelac sans sucre ajouté. Mais en Afrique et dans d’autres pays à revenu faible ou intermédiaire, Nestlé continue d’ajouter du sucre à la plupart de ses céréales infantiles, en violation des directives de l’Organisation mondiale de la santé. L’obésité – y compris infantile – progresse à un rythme alarmant sur le continent africain, et de nombreux pays font face à un «double fardeau» de malnutrition, où le retard de croissance, l'insuffisance pondérale et l'obésité coexistent. 

En Afrique du Sud, où Public Eye est partie en reportage, des générations de mères font confiance à Nestlé depuis des décennies pour nourrir leurs bébés. Dans la province du Cap-Oriental, la plus pauvre du pays, les femmes rencontrées dépensent la majeure partie de leurs maigres revenus pour acheter des aliments infantiles Nestlé, persuadées d’offrir le meilleur à leur enfant. Sur place, des professionnel·le·s de la santé dénoncent des pratiques marketing trompeuses, qui conduisent trop souvent les mères à abandonner l’allaitement au profit de produits pouvant nuire à leur santé.

Dans une lettre ouverte publiée aujourd'hui, 19 organisations de la société civile dans 13 pays africains (Afrique du Sud, Bénin, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Maroc, Mozambique, Namibie, Nigeria, Sénégal, Togo, Tunisie, Zimbabwe) demandent au géant de l’agroalimentaire de cesser immédiatement d’ajouter du sucre dans les aliments infantiles.«Tous les bébés ont le même droit à une alimentation saine – quelle que soit leur nationalité ou la couleur de leur peau. Tous les bébés sont égaux. Faites ce qu’il faut. Pas demain. Pas l’année prochaine. Aujourd’hui. Le monde vous regarde», avertissent-elles. En 2024, la pétition de Public Eye avait recueilli plus de 105'000 signatures. Mais à ce jour, la multinationale est restée sourde à cet appel.

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