«Pandora Papers»: la Suisse doit s’attaquer aux facilitateurs de la corruption et du blanchiment d’argent

Cinq ans après les «Panama Papers», les nouvelles révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) montrent à quel point la Suisse continue de faciliter l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. Plus d’un tiers des sociétés offshore créées par le cabinet panaméen Alcogal sont liées à des avocat·e·s, fiduciaires et autres conseillers helvétiques. Une action en ligne lancée par Public Eye demande aux autorités de combler sans attendre les lacunes législatives qui permettent de telles pratiques.

Les quelque 11.9 millions de documents au cœur des «Pandora Papers» jettent une lumière crue sur une industrie tentaculaire au service de centaines de chefs d’État et autres décideurs politiques, qui règnent souvent dans des pays autocratiques où la corruption est répandue. Pour satisfaire cette influente et richissime clientèle, des avocat·e·s et fiduciaires proposent des montages clé en main destinés à dissimuler leurs avoirs via des sociétés offshore enregistrées dans des paradis fiscaux, favorisant ainsi l’évasion fiscale, la criminalité et la corruption.

Les données analysées par l’ICIJ montrent que la Suisse joue toujours un rôle central dans ce système, dont les principales victimes sont les citoyennes et citoyens des pays concernés, privé·e·s de revenus qui devraient financer des services publics essentiels. La réputation de la place financière suisse souffre aussi des activités de ces prestataires de services financiers douteux, comme l'a déjà relevé le ministre des Finances Ueli Maurer. Sur les 20 000 structures offshore créées par le cabinet panaméen Alcogal, plus d’un tiers sont liées à des avocat·e·s, fiduciaires et autres conseillers helvétiques. Afin de dénoncer les failles du système suisse, Public Eye a récemment publié un petit guide à usage des criminel·le·s en col blanc. On y trouve notamment les portraits de ces «facilitateurs et facilitatrices» au cœur des révélations de l’ICIJ. L’ex-ministre des finances russe Vladimir Chernukhin, limogé par Poutine en 2004, a par exemple dissimulé sa fortune grâce à un ensemble complexe de 28 structures offshore piloté et administré par des avocats zurichois et genevois.

Les spécialistes internationaux du Groupe d’action financière (GAFI) et de l’OCDE demandent depuis longtemps à la Suisse de combler les lacunes législatives qui permettent de telles pratiques. Mais les autorités helvétiques s’opposent à toute volonté de réglementation. Au printemps, la majorité bourgeoise du Parlement a refusé d’étendre la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA) aux activités de conseil pour les structures offshore, notamment par les avocat·e·s – obéissant ainsi à la volonté de leur lobby. Et le Conseil fédéral refuse d'adopter le principal remède contre l’opacité financière: établir des registres publics permettant de connaître les bénéficiaires économiques des sociétés. En septembre, Public Eye a lancé une action pour inciter Ueli Maurer, en charge de la lutte contre la criminalité économique, à agir en ce sens. Les révélations des «Pandora Papers» montrent que la Suisse ne peut pas attendre le prochain scandale pour assumer ses responsabilités, mais doit adopter sans attendre ces mesures essentielles.

Plus d’informations ici ou auprès de: