Procès Steinmetz: un verdict historique dans la lutte contre la corruption «Made in Switzerland»

La cour d’appel du canton de Genève a confirmé la condamnation de l’homme d’affaires israélien Beny Steinmetz et de ses coprévenu∙e∙s pour corruption d’agents publics étrangers. Public Eye salue la détermination de la justice genevoise, qui ne s’est pas laissé aveugler par les écrans de fumée de la défense. Ce verdict envoie un signal fort à l’ensemble du secteur des matières premières. Il montre aussi l’importance, pour la Suisse, de combler enfin les lacunes législatives qui facilitent ces pratiques criminelles.

Dans une décision rendue publique aujourd'hui, la Chambre pénale d’appel et de révision de Genève a confirmé la condamnation pour corruption d'agents publics étrangers de Beny Steinmetz. Le magnat des mines, qui a annoncé vouloir déposer un recours auprès du Tribunal pénal fédéral, écope de trois ans de prison (dont 18 mois ferme) et d’une créance compensatrice de 50 millions de francs pour avoir fait verser 8,5 millions de dollars de pots-de-vin à Mamadie Touré, la quatrième épouse du défunt président de la Guinée, Lansana Conté. Ce pacte corruptif avait permis à Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) d’obtenir, dès 2006, des droits d’exploitation dans l’un des plus grands gisements de fer au monde, la mine de Simandou. Fait rare, ce sont trois maillons essentiels de la chaîne de corruption qui ont été condamnés par la justice genevoise: le grand patron, qui a toujours prétendu ne jouer aucun rôle opérationnel au sein de BSGR; l’intermédiaire baroudeur, qui a scellé le pacte corruptif; et la fidèle administratrice, qui permettait, depuis Genève, la mise en place de montages opaques destinés à masquer les schémas corruptifs.

Leur procès retentissant, dont Public Eye avait fait le récit en janvier 2021, a jeté une lumière crue sur les rouages de la corruption internationale, avec en toile de fond l’un des pays les plus pauvres de la planète. Il a montré comment le recours abusif aux paradis fiscaux facilite la dissimulation d’activités illégales, dans des États où le niveau de gouvernance et les réglementations sont faibles. Mais si ce verdict historique envoie un signal fort aux criminel∙le∙s en col blanc et aux maisons de négoce partout dans le monde, il reste une exception en Suisse, et ne doit pas faire oublier l’extrême difficulté pour les procureur·e·s helvétiques d’instruire des affaires aussi complexes. Faute de volonté politique, les autorités de poursuite pénale manquent toujours cruellement de moyens et d’outils forts pour lutter contre la criminalité économique. Et les amendes – cinq millions de francs au maximum pour «défaut d’organisation» (article 102 du code pénal, qui régit la responsabilité pénale des entreprises) – ne sont absolument pas dissuasives.

Pour prévenir de tels scandales, la Suisse doit impérativement agir en amont. La loi fédérale sur le blanchiment d’argent (LBA) doit couvrir les actes liés à la création, la gestion ou l’administration de sociétés, de trusts ou de fondations par les avocat∙e∙s et notaires, comme l'a récemment reconnu la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Établir un registre central des bénéficiaires économiques réels des sociétés, comme l’exige le Groupe d’action financière (GAFI), est également essentiel.

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