Stévia: des entreprises suisses profitent de la biopiraterie

Les géants de l’agroalimentaire dégagent d’énormes profits grâce à la stévia, en bafouant les droits des peuples guaranis qui ont découvert les propriétés édulcorantes de cette plante. En qualifiant leurs produits de «naturels», ils trompent également les consommateurs. C’est ce que dénonce un rapport publié aujourd’hui par des ONG et des instituts scientifiques. La firme bâloise de biotechnologie Evolva profite aussi de ce boom. En collaboration avec le géant Cargill, elle prévoit de lancer, en 2016, un édulcorant obtenu par les techniques controversées de la biologie de synthèse. Evolva et d’autres sociétés suisses comme Assugrin, Henniez ou Ricola doivent prendre des mesures pour qu’une part des revenus générés par la stévia revienne aux Guaranis et aux pays d’origine, tel que la Convention de l’ONU sur la diversité biologique le prévoit.
© Florian Kopp / Keystone

Le savoir traditionnel des Guaranis, qui vivent dans les régions frontalières du Paraguay et du Brésil, est à la base de tous les édulcorants dérivés de la stévia. Des milliers de produits édulcorés aux glycosides de stéviol – des molécules obtenues à partir de la plante – sont déjà sur le marché, comme le Coca-Cola Life, les bonbons Ricola à la réglisse, l’eau ananas-pêche d’Henniez ou encore l’édulcorant SteviaSweet d’Assugrin. Contrairement aux dispositions prévues par la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Nagoya, aucun accord de partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de la stévia et du savoir associé n’a été négocié avec les Guaranis ou avec les pays d’origine. Pour lutter contre ce cas de biopiraterie, la Déclaration de Berne et Pro Stevia Suisse demandent aux entreprises helvétiques qui produisent ou utilisent des édulcorants issus de la stévia de s’assurer que des négociations soient menées avec les Guaranis pour un partage équitable des avantages.

Plusieurs firmes se livrent par ailleurs une concurrence acharnée pour être les premières à lancer des produits édulcorés à base de glycosides de stéviol qui ne sont plus extraits de la plante, mais produits en laboratoire grâce à la biologie de synthèse. En tête de course figure la société suisse Evolva. En collaboration avec le géant Cargill, cette firme baloise a présenté début octobre son édulcorant «Eversweet», qui devrait être commercialisé en 2016. Il est impératif qu’une évaluation des conséquences socio-économiques soit réalisée en amont, tel que demandé aux Etats parties à la Convention sur la diversité biologique. Car l’arrivée d’«Eversweet» sur le marché pourrait être synonyme de lourdes pertes financières pour de nombreux petits cultivateurs de stévia. Les Guaranis et les pays d’origine de la stévia – le Paraguay et le Brésil – risquent quant à eux de rester sur le carreau.

De nombreuses entreprises qui utilisent des glycosides de stéviol trompent par ailleurs les consommateurs en affichant des feuilles de stévia sur leurs produits ou en faisant référence à un «savoir traditionnel» dans leur communication. Que ce soit délibérément ou par négligence, ils suggèrent ainsi que l’édulcorant employé est «naturel», alors que celui-ci est issu de procédés physico-chimiques complexes. Les règles édictées en 2010 par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur l’étiquetage et la publicité des glycosides de stéviol sont aujourd’hui largement ignorées. Sollicités dans le cadre de notre recherche, Coca-Cola et PepsiCo n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Impossible donc de savoir s’ils prévoient d’utiliser des glycosides de stéviol de synthèse et, le cas échéant, s’ils entendent communiquer cette information de manière transparente.

Plus d’informations ici ou auprès de:

  • François Meienberg, expert «agriculture» de la Déclaration de Berne, 044 277 70 04, food@evb.ch
  • Kurt Steiner, Pro Stevia Suisse, 031 971 68 12, info@prostevia.ch