Symposium annuel «Droit sans frontières»: l’autorégulation seule ne suffit pas

Quelque 190 personnes de l’économie, de la science et de la société civile ont participé aujourd’hui au symposium annuel de « Droit sans frontières ». Les différents intervenants ont débattu des moyens de garantir que les entreprises suisses respectent les droits humains et l’environnement partout dans le monde. La conclusion est que tant l’Etat que les entreprises ont des obligations à assumer.

Antoinette Hunziker-Ebneter, CEO de Forma Futura Invest AG et ancienne présidente de la Bourse suisse, a ouvert le troisième symposium annuel de la coalition «Droit sans frontières» en déclarant: «Il y a un devoir moral et juridique de respecter et promouvoir les droits humains. Ce devoir vaut également pour les multinationales et on doit pouvoir le faire valoir en justice.»

Après ces mots de salutation vigoureux, Elizabeth Umlas, scientifique et experte de longue date sur les questions d’entreprise et de droits humains, a analysé les forces et faiblesses des initiatives volontaires. Elle a estimé que les initiatives volontaires de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises peuvent, dans certains cas, être un complément signifiant à des règles juridiques, mais qu’elles ne peuvent les remplacer. Umlas a déclaré illégitime le lobbying des entreprises et associations économiques contre des règles contraignantes.

En prolongement, Silvie Lang de la campagne Clean Clothes et Philipp Jennings d’UNI Global Union ont présenté un cas concret: l’effondrement des fabriques textiles au Bangladesh en avril 2013. Jennings a montré les effets tragiques d’une autorégulation insuffisante. Il a souligné qu’avec l’accord sur la sécurité du Rana Plaza, on était entré dans une nouvelle ère ouvrant la porte à des mesures contraignantes. Il existe maintenant au Bangladesh des inspecteurs indépendants et un plan de mise en œuvre. Jennings a demandé pourquoi Migros et Coop n’ont pas signé l’accord sur la sécurité. Lang a fait le lien avec la Suisse et rappelé que nombre d’entreprises internationales de la mode ont leur siège en Suisse, parmi lesquelles Charles Vögele, Triumph ou Tally Weijl.

Christoph Brunn de l’Oeko-Institut de Darmstadt a présenté les résultats d’IMPACT, la plus importante étude européenne jamais réalisée sur les effets de la RSE. Il a plaidé pour une orientation accrue sur les effets sociétaux des activités des entreprises, tant dans la RSE que dans la politique. Il est arrivé à la conclusion que les mesures volontaires et la régulation vont de pair.

La deuxième partie du symposium a été consacrée à une table ronde. «Il convient de revoir la notion de risque, de passer d’une définition centrée sur l’entreprise à une vision axée sur les populations concernées», a déclaré Elizabeth Umlas. «Un tel changement est, avec la transparence sur les problèmes rencontrés, l’une des conditions pour que la RSE porte des fruits», a renchéri Matthias Leisinger, Head of Corporate Responsibility Kuoni. Frédéric Chenais, de la Division Sécurité humaine du DFAE, a estimé qu’«il n’est pas dans l’intérêt de la Suisse de jouer un rôle précurseur au plan international, car le danger est trop grand que les entreprises s’en aillent». Andreas Missbach de la Déclaration de Berne a répondu, exemples à l’appui, que «les progrès réalisés en matière de droits humains et entreprises l’ont été parce que des gouvernements ont pris les devants et tiré d’autres Etats dans leur sillage».

En conclusion, Manon Schick, directrice d’Amnesty International, a déclaré: «La balle est maintenant dans le camp du Parlement. Si les mesures qu’il propose ne sont pas suffisantes, il restera pour la coalition Droit sans frontières la possibilité de descendre dans la rue avec une initiative populaire.»

Plus d'informations:
Rahel Ruch, coordinatrice Recht ohne Grenzen, Tél. 076 517 02 08, rahel.ruch@alliancesud.ch  
Michel Egger, coordinateur Droit sans frontières, Tél. 079 599 97 30, michel.egger@alliancesud.ch 

«Droit sans frontières» est portée par quelque 50 organisations suisses de développement, de défense des droits humains et d’actionnariat durable, syndicats et groupements d’Eglise, associations de femmes et de protection de l’environnement. Elle s’engage pour des règles contraignantes obligeant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement partout dans le monde.