Une analyse inédite de Public Eye dévoile l’ampleur du pantouflage dans le secteur pharma en Suisse
Lausanne, 22 mai 2025

L’essentiel en bref:
- Public Eye a identifié 284 cas de pantouflage entre le secteur de la pharma et les autorités de régulation (Swissmedic, OFSP).
- Ce phénomène est en augmentation, notamment dans des domaines clés comme l’homologation ou la fixation du prix des médicaments.
- Le cadre actuel de prévention des conflits d’intérêts est jugé insuffisant par le GRECO et le Contrôle fédéral des finances.
- Public Eye appelle à des réformes concrètes afin que l’intérêt public prime sur les intérêts privés.
Public Eye a voulu connaître l’ampleur du pantouflage (revolving doors) dans le secteur sensible de la pharma, dont la force de frappe en matière d’influence politique a été largement documentée. Avec l’appui du collectif de recherche WAV, nous avons mené une enquête inédite en Suisse, en recensant les cas liés à Swissmedic et à l’OFSP sur les trois dernières décennies, à partir de sources publiques croisées. Résultat: 284 cas de «pantouflage pharma» ont été identifiés, révélant une proximité systémique entre le secteur privé et l’administration fédérale. Les deux tiers de ces épisodes ont eu lieu du privé vers le public, un «pantouflage inversé» en augmentation.
Certaines fonctions clés de la régulation du médicament sont particulièrement exposées. Chez Swissmedic, plus de la moitié des cas concernent l’autorisation de mise sur le marché, un enjeu majeur pour l’industrie, car elle conditionne la commercialisation d’un traitement et le début des entrées financières. D’autres secteurs sensibles – essais cliniques, médicaments de thérapie innovante, fixation des prix – affichent aussi des taux de pantouflage significatifs.
Ce brassage de personnel, qui touche tous les niveaux hiérarchiques, peut s’avérer bénéfique en matière de transferts d’expertise technique, mais soulève des préoccupations quant à la gestion de potentiels conflits d’intérêts et des risques de corruption. Si la Suisse dispose d’un cadre juridique, celui-ci n’est pas assez ambitieux, comme l’ont souligné le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et le Contrôle fédéral des finances. Et malgré l’existence de mécanismes de récusation ou d’obligation de confidentialité, le manque de transparence sur l’application de ces mesures nuit à la confiance de la population envers les autorités.
Alors que le Conseil fédéral devrait prochainement se prononcer sur la Stratégie contre la corruption 2025-2028, Public Eye appelle à un renforcement du dispositif en la matière: mise en place systématique d’un délai de carence d’au moins 12 mois, extension de ces exigences à davantage de fonctions, encadrement aussi des passages du privé vers le public, et publication de données sur ces mouvements afin de garantir un véritable contrôle démocratique.
L’indépendance des autorités de santé ne peut être garantie que si l’influence de l’industrie est strictement encadrée. Alors que 80% du budget de Swissmedic provient déjà de la pharma, le pantouflage fragilise encore davantage la frontière entre régulation publique et intérêts privés.
Plus d’informations ici ou auprès de:
- Patrick Durisch, politique santé, +41 21 620 03 06, patrick.durisch@publiceye.ch
- Géraldine Viret, responsable média, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch