ACTA: les négociations sont terminées

Les Etats parties prenantes à l’Accord commercial anti-contrefaçon (ou ACTA), dont la Suisse, ont annoncé le 15 novembre avoir résolu les derniers points restés en suspens suite au dernier cycle de négociation de fin septembre au Japon. Après une ultime vérification juridique, celui-ci va maintenant pouvoir être présenté au Conseil fédéral pour signature, puis au Parlement pour ratification. La Déclaration de Berne reste extrêmement préoccupée par rapport aux répercussions d’un tel accord sur le commerce international des médicaments génériques en provenance et à destination des pays du Sud.

La Suisse, l’Union européenne, les Etats-Unis et le Japon ont annoncé en octobre 2007 vouloir négocier de manière plurilatérale un Accord de lutte contre la contrefaçon et le piratage, plus connu sous son acronyme anglais d’ACTA. Par la suite, sept autres pays – dont seuls deux en développement, le Mexique et le Maroc – se sont joints aux négociations. Cet accord est aujourd’hui finalisé, moyennant une ultime vérification juridique. Son but affiché est de renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage, considéré par les autorités des pays négociateurs comme un phénomène prenant de l’ampleur, alors que les données fiables manquent.

L’ACTA doit être rejeté dans sa forme actuelle

La Déclaration de Berne a publié un dossier d’analyse critique sur l’ACTA, en collaboration avec Alliance Sud, dans lequel elle condamne la manière dont l’accord a été négocié et détaille ses implications négatives dans le domaine de l’accès aux médicaments pour les pays du Sud. Les deux ONG demandent aux autorités suisses de rejeter l’ACTA dans sa forme actuelle, pour les raisons suivantes :

  • L’ACTA est une tentative d’instaurer de nouvelles normes maximalistes en matière de propriété intellectuelle, au-delà des accords de l’OMC existants, en se donnant l’apparence d’un traité protégeant les consommateurs contre les faux médicaments dangereux pour la santé. Or ceux-ci ne seront pas touchés par l’ACTA. La propriété intellectuelle est importante pour préserver les intérêts commerciaux, mais elle n’est pas l’instrument adéquat pour agir sur la qualité des médicaments.
  • L’ACTA est un traité plurilatéral négocié hors des enceintes multilatérales légitimes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Ce faisant, la majorité des pays en développement a été exclue de la table de négociation, et risque de se voir imposer ces nouvelles normes dans le cadre de futurs accords bilatéraux de libre-échange avec les pays parties prenantes à l’ACTA.
  • Les négociations de l’ACTA ont été menées à huis clos, sans réel débat public ni publication régulière de l’avancement des travaux, contrairement à ce qui se fait communément dans les enceintes multilatérales. Le Parlement a aussi été tenu à l’écart, ce qui est contraire à la Loi sur le Parlement (LParl Art. 152 Al. 3) pour des négociations internationales qui auront un impact sur d’autres pays, notamment ceux du Sud qui n’ont pas participé aux négociations. L’absence de débat démocratique pour un traité d’une telle importance est clairement inacceptable.
  • Malgré des améliorations notables apportées au texte au fil des négociations, l’ACTA menace toujours le commerce international de médicaments génériques, vital pour les pays pauvres. Par rapport aux accords de l’OMC existants, l’ACTA étend de manière abusive la définition de «contrefaçon», instaure un climat de suspicion sur l’ensemble des acteurs impliqués dans la fabrication et la diffusion de médicaments génériques légaux du Sud, autorise des saisies et destructions ex officio de lots suspectés de «contrefaçon» par les douanes des pays de transit, se substitue à la justice dans le cas de mesures de droit civil, et favorise de manière inéquitable les détenteurs de droits de propriété intellectuelle au détriment de leurs concurrents. En outre, l’ACTA place les douanes dans le rôle de surveillants et d’arbitres au service d’intérêts privés, avec des reports de charge du secteur privé vers le service public.
  • Le mandat de négociation octroyé à l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle par le Conseil fédéral était assorti d’une condition claire: la Suisse ne doit pas signer l’ACTA si ce dernier outrepasse des lois nationales et nécessite un changement de la législation actuelle. A ce jour, il est loin d’être clair si tel est vraiment le cas. Au sein de l’Union européenne ou des Etats-Unis, plusieurs analyses récentes ont montré que les provisions actuelles de l’ACTA pouvaient entrer en conflit avec des lois nationales. En outre, un mécanisme permet au futur Comité d’ACTA de procéder à des amendements lors des conférences annuelles des Etats signataires ; des dispositions controversées pourraient dès lors être (ré)introduites ou renforcées par la suite, une fois l’accord déjà ratifié.