La sécurité au travail en danger dans les usines textiles au Bangladesh

Après l’effondrement du Rana Plaza, un accord sur la sécurité des ateliers textiles avait été mis en place au Bangladesh. Il constitue aujourd’hui un pilier essentiel pour la sécurité dans les usines de vêtements. Mais selon une décision provisoire de la Cour suprême du Bangladesh, le Bureau en charge de cet accord pourrait bientôt être forcé de fermer ses portes. Pour Public Eye et la Campagne Clean Clothes, une chose est claire: il est essentiel pour la sécurité des travailleurs et travailleuses que cet accord reste en vigueur.

Depuis juin 2018, des procédures entamées par la Cour suprême du Bangladesh sèment le doute sur l’avenir de l’accord sur la sécurité des ateliers textiles. Le bureau en charge de l’accord menait entre autres des audits de sécurité réguliers qui ont permis d’améliorer durablement la sécurité du travail dans l’industrie du textile depuis l’effondrement de l’atelier du Rana Plaza en 2013. Mais le gouvernement souhaite aujourd’hui retirer les autorisations accordées au Bureau de Dhaka et contrôler lui-même les usines –malgré le manque de ressources et d’infrastructure. Après six cycles de négociations en deux mois, la Cour devrait prendre, le 18 février 2019, une décision finale sur le devenir de l’accord.

Un accord garant de la sécurité des travailleur.se.s

Au cours des cinq dernières années, plus de 1 600 usines ont été contrôlées grâce à l’accord sur la sécurité des ateliers textiles. 89 % des risques détectés lors des premiers audits ont été éliminés, 28 000 audits de suivi ont été entrepris, et plus de 1,5 millions de travailleur.se.s ont été informés au sujet de la sécurité au travail. A l’origine prévu pour une durée de cinq ans, l’accord a été prolongé de trois ans en juin 2018 (jusqu’en 2021) afin de donner plus de temps au gouvernement du Bangladesh pour renforcer ses propres institutions et pouvoir effectuer lui-même les audits d’usines. Malgré ce sursis, le gouvernement a décidé dès le 30 novembre 2018 de prendre lui-même le contrôle du Programme d’audit de sécurité de l’accord.

Plusieurs experts techniques, représentants des travailleur.se.s et marques de modes comme H&M ou Esprit affirment quant à eux que les autorités étatiques ne sont pas prêtes à reprendre les rênes, notamment en raison du fait qu’elles ne disposent pas de suffisamment d’inspecteur.trice.s. Les institutions nationales emploient deux fois moins d’inspecteur.rice.s que le Bureau, mais devraient contrôler l’ensemble des fabriques textiles du Bangladesh, soit deux fois plus que le Bureau, qui inspecte régulièrement environ la moitié de ces ateliers. Le Parlement européen a lui-aussi fait part de son « inquiétude grave », étant donné qu’environ 1 450 usines contrôlées suite à l’accord attendent encore des travaux urgents pour améliorer leur sécurité.

L’Accord reste en vigueur

L’Accord sur la sécurité des ateliers textiles est un accord à caractère obligatoire entre les syndicats internationaux et les marques de modes et reste donc en vigueur jusqu’en 2021. Toutes les marques de modes qui l’ont signé sont ainsi toujours soumises aux obligations qui en résultent, notamment celle de cesser toute activité commerciale avec une entreprise qui refuserait de garantir des conditions de travail sûres. Si l’Etat devait devenir responsable du Bureau, il serait beaucoup plus difficile de garantir des contrôles réguliers dans les usines, ce qui mettrait aussi en danger la sécurité des travailleurs et travailleuses.

Le gouvernement du Bangladesh doit donc apporter publiquement son soutien à la poursuite des travaux essentiels du Bureau de l’accord : sécuriser les conditions de travail en usine de millions de travailleur.se.s du textile. Les autorités réglementaires nationales doivent également continuer de se renforcer afin de pouvoir entreprendre elles-mêmes à l’avenir les travaux de l’Accord et garantir la sécurité des usines de vêtements au Bangladesh.