Biopiraterie: le cas du riz Basmati

Les amateurs de gastronomie indienne le connaissent bien : le riz Basmati est le roi des riz parfumés. Cultivé principalement dans le Punjab, au Pakistan et au Nord de l'Inde, le Basmati est un véritable patrimoine national. C'est aussi une importante source de revenus pour les régions productrices.

(Ce texte est paru dans le numéro 163 de notre revue SOLIDAIRE)

L'entreprise RiceTec Inc., basée au Texas, obtient le 2 septembre 1997 aux Etats-Unis un brevet sur une nouvelle sorte de riz issue du croisement du Basmati original et d'une variété américaine à long grain. Grâce à cette nouvelle variété, du riz aux mêmes saveurs que le Basmati peut pousser aux Etats-Unis. L'appropriation par RiceTec des qualités du Basmati illustre bien le pillage que représente la biopiraterie et ses conséquences pour les pays spoliés:

  • A partir de semences obtenues gratuitement dans une banque de gènes publique du Colorado, RiceTec s'approprie sans effort les qualités du Basmati, fruit de patientes sélections par des générations de petits paysans d'Inde et du Pakistan.
  • RiceTec s'arroge un bien culturel séculaire indien et pakistanais.
  • Le Texmati "made in USA" de RiceTec pourra concurrencer les exportations indiennes et pakistanaises de Basmati aux Etats-Unis et dans le monde. Or le Basmati est un produit phare des exportations indiennes. En 1997, les trois quarts de sa production ont été exportées. Et les Etats-Unis sont un marché-clé, en absorbant 10%. Autant dire que le brevet obtenu par RiceTec constitue une grave menace pour les revenus des cultivateurs indiens et pakistanais.

Mobilisation publique et remise en cause du brevet
En Inde et au Pakistan, l'annonce du brevet a fait l'effet d'une bombe chez les paysans. A New Dehli, des producteurs manifestent devant l'ambassade américaine. Des ONG au Nord comme au Sud mobilisent l'opinion publique depuis 1998. En Suisse la Déclaration de Berne s'engage. Il faut dire que le propriétaire de RiceTec est un voisin: le prince Hans-Adam II du Liechtenstein, dont la fortune personnelle se chiffre en milliards de francs. Malgré les appels, le prince demeure insensible et campe sur ses positions.

En juin 2000, le gouvernement indien intervient et dépose à l'office américain des brevets (US-PTO) une demande de réexamen du brevet accordé à RiceTec. L'US-PTO a rendu en août 2001 sa décision finale sur le brevetage du Texmati de RiceTec. La Déclaration de Berne se félicite de l’invalidation de la plupart des revendications de RiceTec. Il n’en demeure pas moins que le brevet de RiceTec sur trois variétés spécifiques de riz dérivées du Basmati traditionnel a été maintenu.

Le cas du Basmati illustre combien il est difficile actuellement de remettre en cause un brevet. Selon le droit américain, c'est à l'Inde, pays victime, de prouver son bon droit devant l'office américain des brevets. Une procédure qui coûte extrêmement cher en frais d'experts et d'avocats. Devant la multiplication des cas de biopiraterie, certains Etats du Sud n'ont tout simplement pas les moyens de se défendre.