Campagne "Non au bradage mondial des services publics!"

A l’OMC, les Etats s’accordent pour libéraliser les services avec la discrétion de rigueur. Un pas décisif vers une précarisation des services publics et une mise sous tutelle des politiques nationales.

A l’OMC, les Etats s’accordent pour libéraliser les services avec la discrétion de rigueur. Un pas décisif vers une précarisation des services publics et une mise sous tutelle des politiques nationales.

Les 140 Etats membres de l’Organisation Mondiale du Commerce renégocient, depuis février 2000, l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS ou GATS en anglais). Cet accord, administré par l’OMC depuis janvier 1995, est le premier accord multilatéral dans le domaine des services. L’AGCS est un accord cadre, non abouti, qui jette les bases de la libéralisation progressive des services. A sa ratification, les Etats s’étaient engagés à le renégocier périodiquement "en vue d’élever le niveau de libéralisation". En 2000, ils ont donc été priés de formuler de nouvelles concessions pour l’ouverture de leurs marchés. Les négociations devraient encore durer trois ans.

L’AGCS couvre toutes les activités économiques en dehors du trafic des marchandises, des matières premières et des produits agricoles. 160 secteurs sont aujourd’hui englobés, allant du tourisme aux télécommunications, en passant par les banques, l’environnement, l’énergie, les assurances et les transports. Seuls sont explicitement exclus les services non soumis à la concurrence, totalement financés et administrés par l’Etat (armée, police, justice, etc.). Le reste des services publics: santé, éducation, culture, assurance sociales, services postaux, etc. y sont donc soumis.A l’inverse des autres accords de l’OMC, l’AGCS ne s’applique pas uniquement au commerce transfrontalier, comme le souligne le secrétariat de l’OMC. "L’AGCS est (...) le premier accord multilatéral sur les investissements car il ne couvre pas uniquement le commerce transfrontalier, mais toutes les formes possibles de fourniture de services, y compris le droit d’établir une présence commerciale sur le marché d’exportation". L’AGCS couvre les 4 formes suivantes de fourniture de services.

  • Le commerce transfrontalier (exemple: un cours est fourni via internet entre deux pays)
  • La consommation à l’étranger (exemple: un étudiant prend des cours à l’étranger)
  • L’établissement d’une entreprise à l’étranger (exemple: une école s’établit à l’étranger)
  • La présence de personnes à l’étranger (exemple: un professeur enseigne à l’étranger)

"Sans l’énorme pression faite par le secteur américain des services financiers, (…) l’accord sur les services n’aurait pas vu le jour" déclarait M. Hartidge, directeur de la division des services à l’OMC. Leaders mondiaux de l’exportation de services, les Etats-Unis mais aussi la Suisse et les autres pays occidentaux, ont tout intérêt à voir s’ouvrir de nouveaux marchés. A l’inverse, les pays en développement, qui n’ont pratiquement rien à exporter en matière de services, ont refusé d’entrer en matière sur un accord trop contraignant.

Un jeu faussé d’avance
Actuellement, l’AGCS prévoit d’importantes exceptions aux principes de base de l’OMC qui veulent que tous les Etats et tous les producteurs -nationaux et étrangers- soient traités de la même manière. Selon l’AGCS, chaque Etat, peut en effet, choisir quel secteur il veut soumettre à l’OMC et à quelles conditions. Mais, s’il n’émet aucune réserve, l’Etat doit accorder le même traitement aux entreprises nationales qu’aux entreprises locales; il doit d’autre part éliminer toute réglementation limitant le nombre de fournisseurs, la part de marché, la participation en capital ou le nombre de travailleurs étrangers. Dans un tel cas de figure, un pays se prive de tout moyen de protéger son industrie naissante ou de contraindre une entreprise étrangère à employer du personnel local.

Or, si au niveau juridique la possibilité d’émettre des réserves existe, au niveau politique, les Etats les plus puissants et les plus intéressés à trouver de nouveaux marchés usent de toutes les tactiques diplomatiques pour étendre le niveau de libéralisation. Les pressions des pays riches: Etats-Unis et Union européenne en tête, conjuguées à celles du secrétariat de l’OMC, poussent clairement à une libéralisation accrue. Lors des négociations en matière de services financiers et de télécommunications, ces derniers ont exercé de telles pressions qu’ils ont obtenu de nombreuses concessions.

Au service de qui?
En n’excluant pratiquement aucun service, l’AGCS remet en question les pouvoirs des gouvernements et des parlements d’assurer les services publics essentiels. En effet, lorsqu’un gouvernement décide d’intégrer à l’AGCS des secteurs tels que l’accès à l’eau, la santé ou l’éducation, il ne peut pratiquement pas revenir sur sa décision!
Parce que l’AGCS a pour but une libéralisation progressive, il est, par essence, opposé à ce que des gouvernements fassent machine arrière. Si un gouvernement décide de rétablir des restrictions à la fourniture de services, il doit, en contre-partie fournir des compensations satisfaisantes aux membres de l’OMC affectés par ce revirement. Il devra, par exemple, ouvrir un autre secteur au marché ou payer des compensations aux fournisseurs étrangers pour le manque à gagner. En définitive, ceci dépend de la négociation et des conclusions de la procédure d’arbitrage de l’OMC. Une décision du peuple ne suffit plus pour déterminer l’orientation politique en matière de services publics, il faut encore négocier à la satisfaction des membres de l’OMC! Ceci est particulièrement préoccupant pour les pays en développement qui n’ont pratiquement rien à offrir en échange.

La phase actuelle des négociations de l’AGCS risque de précariser encore la souveraineté des gouvernements et de restreindre gravement les "régulations internes" qu’un parlement aurait le droit de mettre en place ou de maintenir. Dans tous les secteurs couverts par l’accord -qu’ils aient ou non fait l’objet d’un engagement spécifique d’un Etat-, l’OMC se réserve le droit d’examiner si les "régulations internes" ne sont pas des "entraves non nécessaires au commerce". Auquel cas, l’OMC est habilitée à imposer certaines "disciplines" aux Etats. A l’heure actuelle, ces fameuses "disciplines" sont encore en gestation. Interprétées dans un sens favorable à la libéralisation, elles ont de fortes chances de remettre en question des normes gouvernementales destinées par exemple à la protection de l’environnement ou de la santé. Ces dernières pourraient en effet être jugées "plus rigoureuses que nécessaire pour assurer la qualité du service"!

Un programme masqué
Les gouvernements et a fortiori les parlements ne savent pas forcément ce que leur réserve l’AGCS. Les élus ne sont pour la plupart pas informés des nouveaux services mis dans l’engrenage des négociations. Par exemple, le parlement suisse n’a pas été consulté sur les négociations en cours. Comme le déclarait M. Ruggiero, ancien directeur de l’OMC: "L’AGCS fournit des garanties sur un champ du droit et des régulations bien plus vaste que celui de l’Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce. (…) J’ai le sentiment que ni les gouvernements ni les entreprises n’ont encore pleinement mesuré l’étendue de ces garanties, ni la portée et la valeur de leurs engagements actuels".

Arrêtez les dégâts!
L’Accord Général sur le Commerce des Services réduit les compétences des gouvernements et des parlements dans des domaines aussi précieux que la santé, l’éducation, l’environnement ou la politique de développement. Différentes associations et syndicats à travers le monde -dont la Déclaration de Berne-, exigent un moratoire des négociations sur les services et demandent que les services publics essentiels soient mis hors de portée de l’OMC. Il est impératif d’en évaluer les conséquences économiques, sociales et écologiques pour les différents pays. Les citoyens et les citoyennes doivent être informés des engagements pris par leur gouvernement. Et les pays en développement ne doivent pas être poussés à faire des concessions dans les domaines sensibles pour leur développement. La Déclaration de Berne, attac suisse et plusieurs syndicats suisses lancent une campagne de protestation. Utilisez les cartes à la fin de la brochure!

GATS: Une providence pour … les transnationales !
"La participation des industries de service dans les négociations est cruciale pour nous permettre d’aligner nos objectifs de négociation sur les priorités des entreprises. L’AGCS n’est pas seulement un accord entre les gouvernements. C’est avant tout un instrument au bénéfice des milieux économiques, et pas seulement pour l’économie en général, mais pour les entreprises individuelles de service désirant exporter des services, investir ou opérer à l’étranger".

(source: Site Internet de la Commission européenne. gats-info.eu.int)