Changer les priorités au sein de l'OMC

L’OMC est-elle apte à négocier des règles commerciales véritablement favorables au développement? On peut en douter, tant les intérêts des pays prenant part aux négociations, au Sud comme au Nord, sont hétérogènes. La prise de décision est difficile, ce n’est pas nouveau.

Ce qui l’est davantage, c’est la capacité des pays du Sud à s’unir pour faire valoir leurs positions et, si nécessaire, bloquer le processus de négociation. Mais un tel blocage n’est pas encore synonyme de changement des priorités. Un pas de plus est nécessaire pour que les règles commerciales mondiales soient au service des droits humains, de la protection de l’environnement, de la santé publique, de la diversité culturelle ou de la sécurité alimentaire.
C’est pourquoi, la Déclaration de Berne demande que les négociations prennent un réel tournant et ce, sur les points suivants:

La propriété intellectuelle
Les règles de l'OMC doivent cesser de menacer le droit des paysans de disposer librement des semences qu'ils cultivent ou de restreindre l'accès des malades aux médicaments bon marché qui les sauvent. La protection de la santé publique, de la sécurité alimentaire ou de la biodiversité doivent avoir la priorité. Le droit de chaque Etat de renoncer aux brevets sur le vivant devrait être reconnu à l'OMC. Les limitations à l'exportation de médicaments sous licence obligatoire vers les pays sans industrie pharmaceutique doivent en outre être levées.

Les droits de douane
Ceux-ci ne sont pas nécessairement un obstacle au commerce. Les Etats doivent conserver la liberté d’en user en faveur du développement local. Dans le domaine agricole, les pays du Sud ont besoin de protéger les produits locaux par des droits de douane et les pays du Nord doivent s’abstenir de forcer la porte des marchés du Sud par des subventions à l’exportation.
Pour les produits non agricoles, les Etats disposant d’une industrie embryonnaire doivent être à même de renforcer les capacités intérieures avant de s’ouvrir aux vents de la concurrence mondiale. Les membres de l’OMC doivent donc accorder davantage de flexibilité aux pays pauvres en matière de tarifs douaniers.

Les services
Comme pour l’agriculture et l’industrie, les pays pauvres doivent conserver le droit de se protéger et donc d’accepter ou de refuser librement de libéraliser tel ou tel segment des services. Les pays riches doivent admettre que leurs partenaires ont besoin de cette liberté pour se développer. Ils doivent également accepter d’exclure les services publics des règles commerciales de l’OMC.

L’articulation entre les divers systèmes mondiaux
On le voit pour les droits humains, l’environnement ou la culture, les Etats nagent en pleine contradiction: d’une part, ils sont tenus, par les conventions qu’ils ont ratifiées de protéger les droits reconnus dans ces domaines, de l’autre, les règles commerciales tendent à les priver des instruments qui leur sont nécessaires pour respecter ces droits. Il appartient aux Etats de rééquilibrer clairement leurs obligations internationales en faveur des droits humains, de la protection de l’environnement et de la diversité culturelle.