« Droit de régulation » des Etats : restrictions en vue dans le cadre des négociations sur les services

Informations à propos des négociations sur les réglementations intérieures (domestic regulations) dans le cadre des négociations de l'accord sur les services de l'OMC

Pourquoi de telles négociations?
L’article VI de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de 1994 prévoit que le Conseil du commerce des services élaborera toutes les disciplines nécessaires pour que les réglementations et les dispositions légales adoptées par les Etats membres ne constituent pas des « obstacles non nécessaires au commerce ». Ces disciplines doivent être fondées sur des critères objectifs et transparents. Le mandat de poursuivre les négociations dans le cadre de l’OMC a été confirmé à Hong Kong, en décembre 2005. Ces pourparlers ont lieu parallèlement à ceux sur l’agriculture, les produits industriels et les services. Il n’ont jusqu’ici pas suscité l’attention des médias. La Suisse y participe activement.

Etapes de négociations
Ces derniers mois, plusieurs contributions ont été soumises à l’OMC par les Etats membres sur le thème « Nouvelles disciplines pour les réglementations intérieures ». Dans un document datant du 28 octobre 2005, la Suisse et le Mexique ont fait des propositions très claires dans le sens d’une restriction du droit de régulation. Le Conseil en charge des négociations se réunit une nouvelle fois du 6 au 13 juillet. Son président, Peter Govindasamy (Singapour) doit faire une proposition de texte jusqu’au 10 juillet 2006. Le but est de finaliser ces négociations jusqu’à la fin de cette année.

Problèmes:
Les services, qui incluent des secteurs clé tels que l’approvisionnement en eau et énergie, les transports publics, la communication, la poste, mais aussi des domaines comme le tourisme, la protection de l’environnement et du paysage et la construction, sont soumis à tout un arsenal de réglementations intérieures et de dispositions légales. Ces mesures, qualifiées de « normes techniques » par l’OMC, sont de plus en plus considérées comme des obstacles au commerce.

Le mandat de négociations est formulé de manière si large que toute réglementation peu être comprise comme étant une « norme technique », y compris des mesures sociales, de protection de l’environnement ou des consommateurs, de santé publique ou autres.

Proposition d’introduire un « critère de nécessité »
La Suisse , aux côtés de la Nouvelle Zélande, de Hong Kong, de l’Australie et du Mexique, propose l’introduction d’un « critère de nécessité », qui obligerait les gouvernements à prouver que les mesures qu’ils souhaitent adopter ne constituent pas un « obstacle non nécessaire au commerce ». Cette exigence s’appliquerait à


tous les niveaux : national, cantonal et communal. La mise en œuvre d’un tel instrument poserait toutefois un certain nombre de problèmes :

  • Il est très difficile de prouver l’efficience d’une régulation. Les gouvernements ont en effet échoué dans 11 cas sur les 13 qui jusqu’ici ont été soumis à l’Organe de règlement des différends de l’OMC. Celle-ci refuse aussi d’appliquer le principe de précaution. Cela signifie que des mesures pour la protection de la population ou de l’environnement dont l’utilité n’est pas scientifiquement démontrée ne sont pas acceptées. Des Etats membres pourraient alors s’opposer à l’introduction de nouvelles réglementations dans un autre Etat membre. En Suisse, les législations assez sévères sur, par exemple, la durabilité des constructions, la protection de l’environnement et du paysage ou la péréquation régionale pourraient être considérées comme des « obstacles non nécessaires au commerce » et être soumises à l’organe de règlement de l’OMC.
  • Les pays en développement seraient particulièrement touchés par ce nouveau mécanisme de contrôle. Ils jouissent en effet de diverses réglementations pour promouvoir leur développement et lutter contre la pauvreté. Certains pays, par exemple, obligent les banques à accorder un pourcentage de leurs crédits à des petites et moyennes entreprises ou tentent de réglementer de manière durable l’industrie du tourisme Ce type de mesures pourrait être remis en question. Face à une procédure si lourde et un tel droit d’ingérence de l’OMC dans les affaires intérieures, les pays en développement pourraient également être découragés à adopter de nouvelles législations de ce type.
  • Bien que l’introduction d’un tel « critère de nécessité » ait des effets très importants sur le droit de régulation aux niveaux national, cantonal et communal, aucune consultation n’a eu lieu. Même les autres départements de l’administration fédérale n’ont pas été consultés.

Un débat démocratique sur le mandat de négociations du seco doit avoir lieu le plus rapidement possible.