Empoisonnements aux pesticides en Inde: la justice suisse prend au sérieux les plaintes des victimes

À Bâle, un tribunal civil se juge compétent pour statuer sur les actions intentées par un agriculteur indien et deux femmes d’agriculteurs décédés. Il leur accorde en outre une assistance juridique pour leur permettre de poursuivre en Suisse le géant de l’agrochimie Syngenta.
© Atul Loke / Panos Pictures

À l’automne 2017, des centaines d'agriculteurs et travailleurs agricoles ont été victimes de graves intoxications en épandant des pesticides sur des champs de coton dans le district de Yavatmal, au centre de l’Inde. Vingt-trois d’entre eux ont trouvé la mort. Les enquêtes de PAN India et de Public Eye ont documenté le contexte et les conséquences de ce drame. Syngenta rejette toujours toute responsabilité mais des documents officiels obtenus des autorités locales indiquent que la police a répertorié 96 cas d’empoisonnement liés au «Polo», l’insecticide de Syngenta, dont deux ont entraîné la mort. 

En juin 2021, deux femmes d'agriculteurs décédés suite à leur empoisonnement et le survivant d’une grave intoxication ont intenté une poursuite auprès du tribunal civil de Bâle. Un cabinet d’avocat·e·s spécialisé (Schadenanwaelte) les représente dans leur demande d’indemnisation en invoquant la loi sur la responsabilité du fait des produits. Les plaignant·e·s affirment que les victimes d’empoisonnement ont utilisé du «Polo», un produit élaboré et commercialisé par Syngenta. Sa substance active, le diafenthiuron, venait directement de Suisse.  

Un signal clair pour l’entreprise

La poursuite a été engagée auprès du tribunal de première instance après une procédure de médiation obligatoire auprès du juge de paix en Suisse, qui s'est terminée sans qu’aucun accord n’ait été trouvé. Le tribunal a désormais statué que les plaignants·e·s bénéficieront d’une assistance juridique gratuite pour leur permettre de poursuivre leur action, afin de pallier leur manque de moyens financiers pour le faire. Le procès peut donc aller de l’avant. Le tribunal a par ailleurs décidé de traiter les trois affaires séparément et non collectivement car des éléments de preuves différents peuvent être requis dans chaque plainte.  

Le tribunal ne se prononce pas encore sur le fond de l’affaire mais sa décision est néanmoins significative, en particulier pour les trois plaignant·e·s, mais aussi de manière plus générale. Elle envoie un message positif en montrant que le système judiciaire suisse est disposé à traiter des poursuites intentées par des victimes d’abus causés par des sociétés suisses à l’étranger.