La GRE a besoin de critères sociaux et environnementaux

Depuis longtemps la Déclaration de Berne demande une réforme de la garantie contre les risques à l’exportation. Aujourd’hui encore cet instrument de la promotion économique manque de transparence et ne dispose pas de normes sociales et environnementales assez contraignantes.

La garantie contre les risques à l’exportation (GRE) est une sorte d’assurance qu’un exportateur suisse peut contracter pour se protéger contre les risques de non paiement à l’étranger que ni le vendeur ni l’acheteur ne peuvent maîtriser. Cette « assurance », garantie en dernier ressort par un fonds de la Confédération, est un instrument de la promotion de l’économie suisse depuis 1934. Elle soutient les entreprises désireuses d’exporter vers des pays qui sans cela ne seraient pas accessibles pour les produits suisses. Par ce biais, elle vise à maintenir et à développer l’emploi en Suisse. Ce n’est donc pas un instrument de la politique de développement même si la loi sur la GRE prévoit depuis 1981 de tenir compte des principes de la coopération au développement pour les pays les plus défavorisés.

Les principaux risques couverts par la GRE sont les suivants:

  • événements politiques (guerres, troubles sociaux,…) qui empêchent l’acheteur d’effectuer les paiements convenus (risques politiques);
  • blocage du versement de l’acheteur en raison de mesures de contrôle des changes ou de rééchelonnement des dettes extérieures du pays client (risque de transfert);
  • insolvabilité ou refus de paiement par des Etats, communes, institutions publiques ou par des entreprises privées appartenant totalement ou partiellement à des collectivités publiques (par exemples des centrales électriques ou des usines de traitement de déchet) ou encore par des banques acceptées par la GRE;

De manière analogue à une assurance, la GRE perçoit des primes pour les risques qu’elle couvre. Le montant de ces primes varie en fonction du type de garantie accordée, de sa durée et du niveau des risques encourus dans le pays de l’acheteur. Ainsi l’Indonésie est considérée comme ayant un niveau de risque supérieur à la Chine.

Un transfert de risque du privé au public
Si les primes payées par les clients pour les services rendus constituent une source de financement importante, les intérêts et le remboursement des créances sont devenus une part importante des ressources de la GRE. Le mécanisme est le suivant : quand une entreprise n’est pas payée pour les produits qu’elle a livrés, la GRE lui paie alors l’essentiel de la facture selon les conditions prévues dans le contrat de garantie (entre 75 et 95%). En contrepartie, la GRE, autrement dit un organisme lié à la Confédération, devient la créancière de l’acheteur des produits suisses. Du côté du débiteur également, la loi sur la GRE demande que l’Etat se porte garant de la dette de l’acheteur en cas d’impossibilité de paiement. Ce qui était au départ une relation commerciale devient une affaire publique entre un Etat créancier et un Etat débiteur.

L’Etat de l’acheteur a donc une dette envers la GRE, constituée par la facture impayée au fournisseur suisse. Il doit payer des intérêts sur cette dette et rembourser cette dernière. Si des problèmes de paiement subsistent, ce qui est souvent le cas quand les Etats débiteurs sont des pays du Sud déjà fort endettés, ces dettes sont négociées dans ce qu’on appelle le Club de Paris. Des rééchelonnements, c’est-à-dire des prolongations de délai pour le paiement de la dette, sont convenus dans le cadre de ces négociations. Le paiement des intérêts et le remboursement de ces dettes constituent actuellement une part substantielle des recettes de la GRE. En 2001, la GRE a reçu des intérêts pour un montant de 84,8 millions de francs et les remboursements se sont élevés à 123 millions de francs. Durant la même année, les primes encaissées s’élevaient à 36 millions.

Le poids de ces remboursements peut s’avérer considérable, surtout si les exportations garanties étaient dès le départ problématiques. Ce fut le cas en Indonésie. En 1998, au moment de la chute du président Suharto, l’Indonésie était le pays dans lequel la GRE était le plus engagée, pour un montant dépassant le milliard de francs. A cette époque, la DB avait rendu public un rapport confidentiel de la Banque mondiale révélant qu’entre 20 et 30% des fonds pour le développement avaient été détournés en Indonésie. Le secteur de l’énergie apparaissait alors comme particulièrement corrompu. Cela n’avait pourtant pas empêché la GRE d’accorder plusieurs garanties à ABB pour sa participation à la construction de plusieurs centrales électriques. Une autre entreprise suisse bénéficiait de la GRE : Crypto AG, une entreprise spécialisée dans les appareils de cryptage dont les services secrets du président Suharto étaient un excellent client. Depuis 1999, la GRE a dû payer des indemnités aux entreprises engagées en Indonésie pour un montant total de 250 millions de francs. Selon les accords de rééchelonnement passés dans le cadre du Club de Paris, l’Indonésie devra rembourser 421 millions de francs à la GRE jusqu’en 2016. C’est ainsi que la vente de produits « swiss made » se transforme en dette publique que les habitants du pays de l’acheteur doivent cautionner via leurs impôts, même si les produits vendus n’ont pas ou mal servi au développement de ce pays.