Le cas du cuivre en Zambie

Avant la privatisation de ses mines, la Zambie était perçue en Afrique comme un modèle du progrès. Mais la dette a transformé le pays en courtier de ses matières premières. L'Etat zambien a été contraint de brader ses richesses, en quête désespérée de dollars pour rembourser les créanciers. L’histoire est simple ; elle ressemble à d’autres destinées africaines. Dans la petite ville de Mufulira, une filiale de Glencore exploite le cuivre et pollue massivement.

«À les entendre, ils ne font jamais de profits, ils perdent toujours de l’argent, et ils licencient sans qu’on n’ait rien à dire, puisque c’est la crise. Mais s’ils ne font pas de profits, que font-ils encore là ?» Cette question, Savior Mwambwa, économiste de formation et directeur du Center for Trade and Policy Development, une organisation zambienne qui traque la fuite des capitaux d’Afrique, a toutes les raisons de se la poser. Car malgré les prix élevés du cuivre sur les marchés internationaux, la Zambie reste enfermée dans une pauvreté aussi injuste que paradoxale. En cause: les montages financiers sophistiqués auxquels les sociétés de trading se livre pour rapatrier leurs bénéfices dans des paradis fiscaux comme la Suisse.

Des chiffres révoltants
En 2009, selon la banque centrale zambienne, 675385 tonnes de cuivre ont été exportées, pour une valeur de 3,18 milliards de dollars. Wisdom Nhekairo, l’un des directeurs du Trésor Public zambien, donne quelque chiffres pour comparaison: «Les impôts payés sur les profits générés par les ventes du cuivre zambien représentent environ 2 % du PIB zambien. Les royalties, 1,5 ou 3 % du PIB.» À titre de comparaison, en Norvège, 70 % des bénéfices des exportations de pétrole reviennent à l’État. En Zambie, la part pour l’État est de moins de 5 %.

Officiellement, la filiale de Glencore en Zambie, Mopani Copper Mines Plc (MCM), ne peut pas être taxée sur ses bénéfices. Depuis dix ans, cette filiale de Glencore n’aurait en effet généré aucun profit, quand bien même la production a doublé depuis la reprise par la multinationale suisse. Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Sur les douze multinationales installées en Zambie, une seule a déclaré des bénéfices en 2009.

Soustraction fiscale et prix de transfert
En avril 2011, la Déclaration de Berne et des ONG partenaires en Zambie, en France et au Canada ont déposé une plainte contre les sociétés Glencore International AG et First Quantum Minerals auprès des Points de contact nationaux (PCN) suisse et canadien pour manquement aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. En cause justement, les manipulations financières et comptables auxquelles la filiale zambienne de ces sociétés, Mopani, a recours afin de se soustraire à l’impôt sur place.

Les faits dénoncés s’appuient sur les résultats d’un audit réalisé en 2009 par les cabinets Grant Thornton et Econ Pöyry, à la demande du gouvernement zambien. Parmi les anomalies constatées, une augmentation inexpliquée des coûts d’exploitation en 2007 pour un montant de 380 millions de dollars, des volumes déclarés de production de cobalt étonnamment faibles par rapport à d’autres entreprises minières de taille comparable opérant dans la région, et des manipulations des prix du cuivre dans le cadre des ventes au profit de Glencore - en violation du principe de pleine concurrence tel que défini par l’OCDE. Ces différents procédés ont permis d’abaisser de plusieurs centaines de millions de dollars les recettes de MCM pour la période 2003-2008 et d’alléger ainsi considérablement la charge fiscale due à l'Etat zambien.

Des conclusions attendues
Plus d'une année après le dépôt de la plainte auprès des autorités compétentes, le Seco devrait bientôt rendre ses conclusions dans cette affaire. Une décision finale est attendue en 2012. Affaire à suivre, donc.

Pour aller plus loinDécouvrez en exclusivité le documentaire Zambie, à qui profite le cuivre?, lauréat du prestigieux prix Albert Londres 2012, qui retrace l'enquête des journaliste Alice Odiot et Audrey Gallet sur la mine de Mopani en Zambie.