Une première étape importante vers davantage de transparence pour les médicaments

Peu après 10h aujourd’hui, la 72ème Assemblée mondiale de la Santé a adopté une résolution représentant une étape politique importante dans le domaine des médicaments, extrêmement opaque. Après sept jours d’intenses négociations à huis clos, les États membres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se sont finalement accordés sur un texte édulcoré.

Proposée par l’Italie et initialement soutenue par 11 autre pays (dont l’Espagne, le Portugal, la Grèce, la Turquie, l’Afrique du Sud, l’Egypte ou la Malaisie), la liste des soutiens s’est étendue en fin d’Assemblée à 19 pays (dont le Brésil, l’Inde, la Russie et le Luxembourg).

La résolution intitulée «Améliorer la transparence des marchés de médicaments, de vaccins et d’autres produits sanitaires» aura toutefois déchaîné les passions jusqu’au bout, mettant en évidence, s’il en était encore besoin, l’énorme crainte de l’industrie pharmaceutique de devoir dévoiler ses coûts réels de recherche & développement (R&D). Les pays hébergeant les grosses firmes pharmaceutiques (l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, les États-Unis, le Danemark et la Suisse) se sont en effet évertués à amoindrir – sinon éliminer – toute référence à une quelconque obligation pour la pharma de dévoiler ses coûts R&D.

Ainsi, dans le texte adopté (en français ici, en anglais là), les États ne sont plus «instamment invités à exiger la diffusion des résultats et des coûts des essais cliniques» mais «à prendre les mesures voulues, selon qu’il conviendra, pour appuyer la diffusion et une meilleure disponibilité des données agrégées sur les résultats et – s’ils sont déjà disponibles publiquement ou fournis à titre volontaire des coûts des essais cliniques». On peut d’ores et déjà parier, comme l’histoire l’a déjà prouvé, que des mesures volontaires n’auront que peu, voire pas d’effet. Sur ce point le texte est très décevant.

Miser sur les mesures volontaires des firmes est une décision d’autant plus incompréhensible que tous les pays, la Suisse en tête, se plaignent des prix de plus en plus élevés des nouveaux médicaments, et de l’asymétrie d’informations entre les autorités sanitaires et l’industrie au moment de les fixer. Comme si la transparence se limitait à la comparaison des prix, sans tenir compte des bases sur lesquelles ceux-ci ont été formés. Ces pays n’ont de toute évidence pas eu la volonté d’aller à l’encontre de leur omnipotente industrie pharmaceutique.

Point positif toutefois: la transparence sur les prix effectifs (ou «prix nets») de médicaments, à savoir après rabais. Outre la volonté de supprimer toute référence aux coûts de R&D, la Suisse a concentré ses efforts de négociation sur ce point précis. Elle considère en effet qu’elle est la seule nation en Europe à ne pas opérer de «deals secrets». Ce qui est vrai sur le fond mais moins sur la forme: l’accès aux montant des rabais accordés n’est pas évident.

L’adoption de cette résolution envoie un signal politique important, dans un contexte où les clauses de confidentialité entre pharmas et États se multiplient afin que le prix réellement pratiqué ne soit jamais dévoilé. La stratégie du «diviser pour mieux régner», prônée par les grandes firmes pharmaceutiques dans le domaine des prix, devraient bientôt n'être qu’un mauvais souvenir.

Fait important et relativement inédit: suite à l’adoption de la résolution en plénière, l’Allemagne, le Royaume-Uni et (plus surprenant) la Hongrie ont décidé de se dissocier de celle-ci. En clair: ces pays ne mettront pas en œuvre et ne rendront pas compte sur ces aspects de transparence auprès de l’OMS. Les États-Unis et la Suisse ont en revanche soutenu cette résolution, montrant une certaine division parmi les pays hébergeant les géants pharmaceutiques.

«Pas de prix équitable sans transparence totale!»

Ainsi, lors de l’Assemblée mondiale de la Santé qui se tenait à Genève du 20 au 28 mai 2019, une étape politique importante vers davantage de transparence a été franchie. Toutefois, le combat dans ce domaine est loin d’être terminé. La Suisse serait bien avisée de ne pas rater le prochain train, lorsqu’il s’agira de faire toute la lumière sur la manière dont les prix sont formés – car il n’y aura pas de «fair price» (prix juste) sans transparence totale.

À ce sujet:

La Matinale, RTS: Patrick Durisch (Politique santé, Public Eye) s'exprime sur la résolution de l'OMS pour plus de transparence sur le marché des médicaments.