OMC: Des négociations sans retour

Née en janvier 1995, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est construite sur le présupposé suivant: le libre-échange augmente la prospérité. Les accords qui la fondent visent exclusivement à éliminer les obstacles au commerce mondial des biens et des services. Les Etats s’y engagent à libéraliser de manière continue les échanges internationaux de biens et de services. Les droits de douane sur les produits agricoles font par exemple l’objet d’âpres négociations en vue de leur réduction. En matière de services, les pays sont appelés à élargir sans cesse la liste des secteurs à libéraliser. Le champ d’activité de l’OMC s’étend ainsi régulièrement. A chaque fois, les Etats (particulièrement les plus pauvres) y perdent en marge de manoeuvre pour protéger et soutenir des secteurs économiquement faibles.
© Déclaration de Berne

Si un pays souhaite réintroduire durablement une protection (pour sauvegarder, par exemple, un secteur de son agriculture qu’il estime vital pour sa sécurité alimentaire), les autres Etats sont en droit de lui demander des compensations sur d’autres biens ou services. «Avant le Cycle de l’Uruguay, l’Inde avait supprimé ses limites tarifaires pour le riz et d’autres cultures. Mais, sous la pression d’une augmentation des importations, le gouvernement a décidé en 1996 de renégocier ces limites à des niveaux entre 50 et 80%. Les négociations, menées séparément avec les Etats-Unis, l’Union européenne et l’Australie, ont duré trois ans et ont nécessité des compensations conséquentes pour ces trois partenaires.» (OXFAM, avril 2005)
L’égalité formelle des Etats est toute relative: les grandes puissances commerciales (Canada, Etats-Unis, Japon et Union européenne, responsables de 65% du commerce international) dominent l’agenda des négociations. Elles se mettent d’accord, et le résultat est entériné par les autres pays membres. Ce déséquilibre se reflète, entre autres, dans les négociations agricoles. Dix ans après la création de l’OMC, les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont toujours pas supprimé leurs subventions à l’exportation. Ils ont promis de le faire, mais exigent en contrepartie que les pays en développement ouvrent leur secteur des services.
Ce rapport de force inégal est d’autant plus inquiétant que l’OMC a les moyens de faire respecter ses règles. Au terme d’une procédure de règlement des différends, un Etat lésé peut être autorisé à appliquer des sanctions commerciales en rétorsion.
Mais, là encore, le Burkina Faso, dont les recettes d’exportation dépendent à plus de 50% du coton, n’a pas la même force de frappe que les Etats-Unis.

Les femmes particulièrement exposées

La libéralisation des marchés agricoles des pays en développement ne profite pas aux petits paysans d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine: ils ne sont pas en état d’être compétitifs pour affronter la concurrence des importations à bas prix sur leur propre marché (lire page 17). Et l’exportation reste pour beaucoup hors d’accès. Seul 10% de la production agricole est exportée et l’essentiel est dans les mains des multinationales du secteur agroalimentaire. Les femmes sont les plus exposées aux conséquences négatives de l’ouverture des marchés. Une étude l’a montré pour le Mexique. À la suite de l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis et l’arrivée sur le marché mexicain de maïs importé bon marché, la pauvreté des femmes a augmenté au-delà de la moyenne nationale. La qualité de leur vie a dramatiquement baissé, l’argent disponible pour la nourriture, l’habillement, la santé, la formation et les tâches domestiques a diminué jusqu’à 50%. Certes, des places de travail ont été créées, occupées surtout par des femmes. Mais les conditions de travail, essentiellement dans les maquiladoras, sont à tel point précaires qu’elles ne permettent pas de sortir de la pauvreté.