TPP, TTIP, TiSA: les traités de tous les dangers!

Les trois grands traités de libre-échange actuellement en cours de négociation ou de ratification menacent d’entacher les principes démocratiques et de détériorer les conditions de vie des populations les plus défavorisées de la planète.
© (c) Greens/EFA/David Morrison

Depuis quelques années, de vastes efforts sont mis en œuvre – essentiellement par les Etats-Unis – pour conclure de grands traités de libre-échange avec divers groupes de pays. Début octobre 2015, douze pays côtiers de l’Océan pacifique ont ainsi signé un  traité de libre-échange, l’Accord de partenariat transpacifique (TPP). Le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) négocié actuellement vise pour sa part à créer une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne. De son côté, l’Accord sur le commerce des services (TiSA) est négocié entre les Etats-Unis, l’UE, la Suisse et vingt autres Etats. Au cœur de ces «partenariats»: des mesures de libéralisation portant notamment sur la suppression des droits de douane, les privatisations et l’accès aux marchés publics. Ces accords favorisent l’accès au marché pour les sociétés étrangères, les investissements directs et contribuent au renforcement des droits de propriété intellectuelle (brevets, marques, etc.).

Des négociations très opaques

Point commun des négociations autour de ces trois traités: elles se déroulent dans la plus grande opacité, à l’abri des regards de la société civile, mais en présence de groupes de pression qui participent activement aux discussions pour le compte de grandes entreprises. La croissance économique et la création d’emplois figurent prétendument parmi les objectifs des traités. Seul problème: ces promesses sont basées sur des hypothèses économiques plus que douteuses.

Quels sont les éléments problématiques?

  • Les pays industrialisés sont majoritaires dans toutes les négociations, les Etats-Unis ou l’UE dominant les commissions. Seuls des pays «coopératifs» triés sur le volet peuvent participer aux discussions, ce qui élimine toute possibilité de blocage par une coalition de pays en développement ou émergents. Par ailleurs, les négociations autour de ces traités déterminent les futures règles économiques qui auront aussi un impact sur tous les pays en développement ou émergents qui ne participent pas (encore) aux discussions.
  • Les grands traités défavorisent les Etats qui ne les signent pas, essentiellement en raison du fait qu’ils présupposent une réorientation des échanges. Par exemple, certains pays africains craignent une chute de leurs exportations de vêtements à destination des Etats-Unis dès que le TPP aura accordé à l’industrie textile vietnamienne une exonération des droits de douane. Quant au TTIP, il est communément admis qu’il aura un impact négatif sur certains pays d’Amérique latine et d’Afrique.
  • Les traités renforcent la position dominante des multinationales et limitent fortement les possibilités de réglementation pour les gouvernements des pays en développement. Avec le TPP, les entreprises étrangères bénéficieront non seulement d’un meilleur accès aux marchés, mais il leur sera également plus facile de recourir à un arbitrage privé contre la réglementation d’un gouvernement. En renforçant la protection de la propriété intellec-tuelle dans l’intérêt des grands groupes pharmaceutiques américains et japonais, par exemple, le TPP entraînera une hausse du prix de vente des médicaments dans les pays en développement. Ainsi, un plus grand nombre de brevets devront être accordés, et ce pour des périodes plus longues – y compris pour les médicaments essentiels qui permettent de sauver des malades du VIH ou de cancers. Les dispositions du TPP entérinent également les droits relatifs aux obtentions végétales et limitent ainsi la liberté de production et d’échange de semences entre agriculteurs. Ceci entraînera un nouveau renforcement du brevetage des plantes et animaux. Un point positif à souligner cependant: le chapitre du TPP portant sur le droit du travail – s’il est effectivement mis en application – prévoit des  dispositions permettant véritablement d’améliorer les droits des travailleuses et travailleurs, notamment en termes de lutte contre le travail des enfants et le travail forcé, ainsi que de garantie de la liberté syndicale dans les pays signataires du Sud-Est asiatique.
  • Le TiSA prévoit une suppression radicale des barrières dites «d’accès au marché» dans le secteur des services, ce qui implique une déréglementation des services publics de la santé, des eaux et de l’énergie, ainsi que de l’éducation et du secteur financier. Les compagnies étatiques de production énergétique et de gestion des eaux seraient ainsi privatisées et une renationalisation ou remunicipalisation de ces services serait définitivement exclue. Les expériences de privatisation se sont jusqu’à présent montrées préjudiciables aux segments de population les plus défavorisés dans les pays en développement: l’approvisionnement ne s’est globalement pas amélioré, les prix ont explosé et de nombreux foyers se sont retrouvés dans l’impossibilité de payer leurs factures d’eau et d’électricité. Le TiSA est synonyme de recul de la démocratie politique par la suppression des compétences des Etats en matière de réglementation des services publics et par l’ouverture au marché mondialisé et déréglementé.

Une grave menace pour la souveraineté

Chacun de ces trois grands traités implique irrémédiablement une multiplication des opportunités commerciales des multinationales et une augmentation des biens et services laissés à la merci du secteur privé au détriment des marchés publics et de la souveraineté des Etats en matière de réglementation. Les conséquences seraient une atteinte aux principes démocratiques et une détérioration des conditions de vie des populations les plus défavorisées.

 De vastes coalitions d’ONG se sont formées pour lutter contre la conclusion de ces traités dans les pays concernés. La DB suit de près l’évolution des négociations de l’Accord sur le commerce des services (TiSA) auquel la Suisse est partie prenante et qui est en lien direct avec ses thèmes de travail. Elle continuera également de suivre l’évolution des négociations dans le cadre de son travail de réseau et évaluera régulièrement la nécessité d’un engagement plus spécifique. 

Pour en savoir plus

Libre-échange: la déferlante, Manière de voir n° 141, Le Monde diplomatique, juin-juillet 2015