Une mise en œuvre défaillante dans les pays producteurs

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Les causes des violations récurrentes des droits humains dans les pays producteurs résident moins dans la base légale en vigueur que dans ses défauts d'application. La mise en œuvre des lois est souvent soumise à la volonté politique et au poids des intérêts privés. Des différences importantes subsistent pour certaines protections spécifiques. Notamment pour les salaires minimums, qui sont loin de garantir un niveau de vie décent à la plupart des travailleurs. Toutefois, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans, adoptée en 2018, reconnaît explicitement le droit à un salaire vital. Un nouvel espoir de voir la situation s’améliorer.

Le cadre légal de la plupart des pays producteurs est largement conforme au droit international relatif aux droits humains. Ce sont donc bien les défauts d'application des lois existantes qui sont responsables des violations continues des droits humains et des droits du travail dans la production de matières premières agricoles. Cela ne concerne pas que certains droits du travail spécifiques, mais aussi des droits aussi basiques que l’accès à l’éducation ou la protection des populations rurales et/ou autochtones. La plupart du temps, le problème réside dans la faible volonté politique et la prévalence des intérêts privés. Toutefois, la nature saisonnière d’une large part du travail agricole et le fait que les sites de production sont souvent éloignés les uns des autres peuvent aussi compliquer la mise en œuvre des bases légales existantes.

Des lacunes dans la protection juridique

Des lacunes légales significatives existent bien dans certains cas, et la protection légale offerte par certains pays, lorsqu’elle existe, est de plus en plus menacée par les gouvernements et les lobbyistes de l’industrie agroalimentaire, comme c’est notoirement le cas au Brésil, le plus grand exportateur mondial de matières premières agricoles.

Dans les pays producteurs, le manque de protection est particulièrement bien illustré par l’écart avec les lois sur le salaire minimum. Ces prescriptions, lorsqu’elles existent, restent très loin du niveau du salaire vital, et beaucoup de travailleurs et travailleuses ont du mal à subvenir à leurs besoins, même avec un emploi. La situation des petits agriculteurs est plus grave encore. Le droit à un niveau de vie adapté est protégé depuis longtemps par le droit international relatif aux droits humains (voir par exemple l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et les articles 7 et 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels). Pourtant, les protections offertes aux petits agriculteurs qui tentent de gagner leur vie grâce à leurs récoltes sont largement insuffisantes.

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Les droits des paysans

Mais il y a des raisons d’espérer. En décembre 2018, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Celle-ci se base sur des accords internationaux obligatoires et évoque nommément le droit à un niveau de vie adapté et à une rémunération équitable. Elle reconnaît également aux paysans des droits spécifiques sur les semences, les terres et la biodiversité. Une analyse de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains de Genève souligne l’importance de ce nouveau document. «La mise en œuvre de l’UNDROP constitue une occasion unique de rétablir l’équilibre des relations de pouvoir dans les zones rurales, et de garantir que les État respecteront, protégeront et garantiront les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, jusqu’ici trop souvent marginalisés par les lois et politiques internationales, régionales et nationales.»

L’UNDROP est donc un instrument crucial pour établir des relations de pouvoir plus équilibrées et garantir le respect des droits des paysans et des travailleurs agricoles. La Déclaration s’applique non seulement aux pays producteurs, mais aussi aux pays d’origine comme la Suisse (qui a voté en faveur de la déclaration lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en 2018).