Des résidus de pesticides interdits détectés dans les fruits et légumes importés

Des résidus de nombreux pesticides toxiques interdits en Suisse se retrouvent dans les denrées alimentaires importées, comme le révèle une nouvelle enquête de Public Eye. Ces résultats montrent les failles de la législation helvétique. Alors que l’Union européenne envoie un signal fort, le Conseil fédéral doit enfin adopter une politique cohérente en matière de pesticides extrêmement dangereux.

Notre enquête s’appuie sur des données de 2017 obtenues auprès de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), les plus récentes disponibles au niveau national. Elle montre que plus de 10% des denrées importées contrôlées par les autorités (220 échantillons sur 1940) contenaient des résidus de substances figurant sur la liste des pesticides interdits en Suisse «en raison de leurs effets sur la santé de l’être humain ou sur l’environnement». Parmi les denrées provenant de pays hors de l’Union européenne, la proportion s’élève à près de 20%. Ces fruits et légumes ont été importés en toute légalité de pays comme la Thaïlande, le Vietnam ou encore l’Inde, où l’utilisation de ces produits est toujours autorisée.

Au total, 52 pesticides interdits ont été détectés. En tête de liste: des substances pouvant avoir des effets dévastateurs sur la santé en cas d’exposition à long terme, même à de faibles doses, ou présentant un risque élevé d’intoxication aigue pour les agriculteurs. Parmi les pesticides bannis les plus souvent trouvés figurent des substances commercialisées par le géant bâlois Syngenta, voire même exportées depuis la Suisse ces dernières années. Le profénofos par exemple, un puissant neurotoxique de la même famille que le gaz sarin. Par le biais des importations alimentaires, ces substances se retrouvent dans nos assiettes, tout comme le chlorpyrifos et le chlorothalonil, qui ont récemment été interdits en Suisse.

Des pesticides interdits ne devraient en principe pas se retrouver dans nos assiettes. La législation suisse prévoit que si un pesticide n’est pas ou plus autorisé dans notre pays, la limite maximale de résidus dans les aliments est fixée au «seuil de quantification» (0.01 mg/kg), soit la concentration la plus faible pouvant être quantifiée en laboratoire. L’OSAV peut toutefois, sur demande, fixer une «tolérance d’importation», mais cette disposition ne s’applique pas si le pesticide est interdit pour des motifs liés à la «protection de la santé». Pourtant, la pratique semble généralisée. Pour environ deux tiers des 163 substances inscrites sur la liste des pesticides interdits en Suisse «en raison de leurs effets sur la santé de l’être humain ou l’environnement», une limite supérieure a été fixée.

Dans un rapport publié le 20 mai, la Commission européenne reconnaît que l’importation de denrées cultivées avec des pesticides interdits est contraire aux attentes des consommateurs, et nuit à la compétitivité de l’agriculture européenne ainsi qu’aux êtres humains et à l’environnement dans les pays où celles-ci sont produites. La Commission se dit prête à considérer une révision de la législation. Ce signal fort de Bruxelles souligne l’urgence d’agir. La Suisse doit mettre fin à sa politique des «deux poids, deux mesures» en matière de pesticides extrêmement dangereux, en interdisant que des substances bannies ici puissent être exportées depuis le territoire helvétique ou importées dans les denrées agricoles.

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